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La commission d'enquête dénonce un usage "excessif et injustifié de la force"

Dans un rapport publié ce mercredi, la commission indépendante chargée d'enquêter sur la répression des manifestations bahreïnies dénonce la pratique de la torture "de façon délibérée" et un "usage excessif et injustifié" de la force par la police.

AFP - Une Commission d'enquête indépendante sur la répression de la contestation à Bahreïn a dénoncé mercredi un "usage excessif et injustifié de la force" de la part des autorités, qui ont accepté ses conclusions.

Dans son rapport, cette instance, chargée par le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa d'enquêter sur les troubles qui ont secoué ce petit Etat du Golfe en février/mars dans le sillage du Printemps arabe, a en outre affirmé ne pas avoir trouvé de preuve d'une implication de l'Iran.

Le gouvernement de Bahreïn a annoncé "accueillir favorablement les résultats de l'enquête" et "reconnaître ses critiques", alors que le roi promettait des "réformes" pour "réaliser l'entente nationale".

Les autorités "ont eu recours à un usage injustifié et excessif de la force", notamment dans le but de "terroriser" les contestataires, à majorité chiites, a annoncé le président de la Commission, le juriste Chérif Bassiouni, lors d'une cérémonie retransmise par la télévision officielle, en présence du roi.

Elle a également constaté que "la torture a été pratiquée de façon délibérée" à l'encontre des personnes arrêtées, dans le but de "leur arracher des aveux" ou "les punir ou se venger", a-t-il dit.

M. Bassiouni a cependant indiqué que ces pratiques avaient eu lieu "contrairement aux ordres" des plus hautes sphères du gouvernement.

Il a déploré que les autorités ne soient pas intervenues pour "arrêter les mauvais traitements de la part des responsables" dans ce royaume gouverné par une dynastie sunnite.

Le rapport a indiqué que 35 personnes --30 civils et 5 membres des forces de sécurité-- avaient trouvé la mort lors des troubles, alors que les autorités avancent le chiffre de 24 morts dont 4 policiers. Parmi les civils morts, cinq sont décédés sous la torture, selon le texte.

Les Etats-Unis se sont félicitées de la publication du rapport et des réformes promises, estimant que "cela offre à Bahreïn une chance historique de faire se rejoindre le peuple de Bahreïn et le roi".

De son côté, un dirigeant du principal groupe de l'opposition chiite, Al-Wefaq, a salué prudemment le rapport pour avoir "recensé les violations", indiquant toutefois que "la réponse du gouvernement était négative".

"Le roi devra agir sérieusement", a ajouté à l'AFP Khalil Marzouk, réitérant les revendications du Wefaq d'un gouvernement élu et de réformes démocratiques.

"Comment un gouvernement peut-il rester en place avec toutes ces violations atroces" retenues contre lui?, s'est-il demandé.

La Commission a par ailleurs fait état, dans son rapport de 500 pages, de "preuves que des sunnites ont été la cible (...) d'humiliations, d'agressions physiques et d'attaques contre leurs biens".

Alors que les autorités ont vu dans ce mouvement de contestation la main de Téhéran, M. Bassiouni a affirmé que "les preuves soumises à la commission (...) n'ont pas montré un lien clair entre les événements à Bahreïn et un rôle de l'Iran".

Téhéran avait vivement critiqué le déploiement à Bahreïn d'unités de la force conjointe des monarchies du Golfe, le "Bouclier de la Péninsule", notamment saoudiennes, venues épauler Manama pour venir à bout du mouvement de contestation.

Mais la commission a innocenté les troupes du Golfe affirmant qu'elle n'a "relevé aucune preuve de violations des droits de l'Homme, liées à la présence d'unités de la force du +Bouclier de la Péninsule+ déployées depuis le 14 mars à Bahreïn".

Amnesty International a favorablement réagi à la publication du rapport de cette commission formée de cinq juristes renommés.

"Le rapport a reconnu que la torture était largement employée" et fait "de très bonnes recommandations", a déclaré à l'AFP Saïd Boumedouha, chercheur chargé de Bahreïn, ajoutant que le principal défi posé aux autorités était de les appliquer.

La publication du rapport est intervenue alors que des heurts ont opposé mercredi matin des manifestants aux forces de l'ordre dans des villages chiites autour de Manama.

Un homme a trouvé la mort dans un accident dans le village chiite de Aali, où la police dispersait, à l'aide de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, des protestataires scandant des slogans hostiles à la monarchie, selon des témoins et une correspondante de l'AFP.

Selon Nabil Rajab, un militant de l'opposition, la victime se trouvait dans sa voiture quand la police l'a poursuivie, et son véhicule a heurté un mur. Le ministère de l'Intérieur a affirmé que l'homme était mort dans un accident de voiture et qu'une enquête était en cours.

Des affrontements ont également eu lieu dans la localité chiite de Sitra, où les habitants protestaient contre la mort vendredi d'un adolescent, heurté par un véhicule de la police.

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