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En pleine crise, l'Espagne s'en remet à l'austère Mariano Rajoy

Engluée dans un marasme économique, l’Espagne a donné une majorité législative au Parti populaire. Le futur Premier ministre, Mariano Rajoy, traîne une image terne qui s'accorde avec la rigueur devenue de mise en Europe.

Effacé, terne et peu charismatique, le futur président du gouvernement espagnol ne déchaîne pas les passions auprès des Espagnols. Mais le conservateur Mariano Rajoy peut néanmoins s’enorgueillir d’une belle opiniâtreté, lui qui patiente depuis 2004 aux portes du Palais de la Moncloa, lieu de résidence du chef du gouvernement espagnol. A 56 ans, celui-ci devrait succéder à un José Luis Zapatero en bout de course, épuisé par sept années au pouvoir.

Les élections législatives de dimanche donnent en effet une majorité absolue au Parti populaire (PP, droite), qui comptera, selon les premiers résultats, plus de 180 sièges dans le prochain Congrès des députés, contre à peine plus de 115 pour le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE, gauche). Au siège du PP à Madrid, dimanche soir, une foule agite des drapeaux bleus  pour saluer la victoire de Mariano Rajoy.

La défaite est amère pour l'entourage du leader socialiste Alfredo Perez Rubalcaba, qui s’était vu confier la mission quasi-impossible de maintenir au pouvoir le parti de Zapatero, dans un pays qui compte 5 millions de chômeurs, une dette considérable et qui se trouve face à une jeunesse révoltée à l’origine du mouvement des Indignés à travers le monde.

Il semble en effet loin le temps du "miracle espagnol", quand le taux de croissance du pays rendait jaloux ses voisins européens. L’éclatement de la bulle immobilière en 2008 puis la crise des dettes européennes sont passées par là. Le flamboyant socialiste Zapatero a fait son temps, l’heure est désormais à la rigueur et à la sobriété, une conjoncture parfaite pour Mariano Rajoy qui cultive depuis des années son image de bon père de famille.

Au moment où des économistes austères s’installent au pouvoir un peu partout en Europe avec pour mission d’assainir les finances publiques, l’Espagne s'offre à cet homme aussi peu excentrique qu’un technocrate de Bruxelles. Si ce ne sont pas les marchés qui l’ont placé à la tête de la péninsule, contrairement à l’Italie et la Grèce, Mariano Rajoy assure qu’il a toutes les qualités requises pour apaiser les tensions sur les places financières.

Accusé de faire une campagne discrète et d’attendre simplement que les Espagnols misent sur le changement, son programme se résume en une formule, exposée jeudi 17 novembre à la une du grand quotidien de centre gauche "El Pais" : "Faire des coupes partout, sauf dans les retraites".

Son objectif : tempérer les marchés avant tout, afin d’éviter l’explosion des taux auxquels son pays emprunte. "Tout le monde doit savoir que pour mon gouvernement, la priorité sera de tenir les engagements de l'Espagne pris à Bruxelles" a-t-il indiqué en vue de rassurer ses partenaires européens.

Battu en 2004 et en 2008

Ce poste de président du gouvernement, Mariano Rajoy l’attend depuis 2004. À l’époque, c’est lui que José Maria Aznar, président du gouvernement depuis 1996, désigne comme son successeur. Alors que la victoire lui tend les bras, les attentats islamistes du 11 mars 2004 à Madrid changent subitement la donne. L’obstination de la droite à mettre en cause l'ETA, malgré la découverte de premiers indices pointant vers la piste islamiste, lui coûte la victoire et propulse Zapatero à la tête du pays.

Cantonné à un rôle d’opposant, il est alors contraint de ronger son frein dans l’ombre du nouveau chef du gouvernement, dont la cote de popularité ne cesse de grimper. Lorsqu'il conduit à nouveau son parti devant les électeurs aux législatives de 2008, la Zapateromania s’est emparée du pays et conduit logiquement la droite à une nouvelle défaite électorale. Un double revers qui aurait pu avoir raison de ce jeune premier, dont la carrière fulgurante l’a conduit de sa Galice natale à Madrid, où il a occupé quatre postes de ministre entre 1996 et 2004.

Mais quand il le faut, Mariano Rajoy sait se faire fin tacticien et parvient à se maintenir in extremis à la tête du PP, profitant des désunions au sein de son parti qui regroupe aussi bien des centristes que des nostalgiques de l’époque de Franco.

Suivent trois années où il s’emploie à pacifier, à rajeunir et à féminiser le PP, une formation traditionnellement très masculine.

Soupçonné par la gauche de vouloir revenir sur certaines des réformes sociales de l'ère Zapatero, comme l'autorisation du mariage homosexuel et la libéralisation de l'avortement, Mariano Rajoy aura la rude tâche de rassembler son peuple pour traverser une crise qui menace toujours de provoquer un cataclysme dans toute l'Europe. Une mission pour laquelle Mariano Rajoy, longtemps moqué pour son manque de conviction et son léger zézaiement, ne disposera que d’une marge de manœuvre très réduite. À savoir : réussir à concilier réduction des dépenses et retour de la croissance, tout en maintenant un semblant de cohésion sociale…