logo

Saad Hariri prépare son come-back politique sur Twitter

Depuis plus d'une semaine, l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri crée le buzz en discutant avec des internautes sur Twitter. Un retour virtuel sur la scène politique qui en annonce un autre, plus réel.

À l’instar des jeunes militants du printemps arabe, l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri a lancé une révolution politique virtuelle sur Twitter. Depuis plus d’une semaine, il crée le buzz en dialoguant quasi-quotidiennement avec les "followers" de son compte personnel @haririsaad. Ils sont un peu plus de 20 000 à le suivre. 

"Il est temps de rendre ce compte plus intime et personnel, vous aurez plus souvent de mes nouvelles et je serai présent le plus souvent possible." Dans ce tweet rédigé en anglais le 3 novembre, en rupture avec le style impersonnel et institutionnel des messages précédents, il avait annoncé sa volonté d’ouvrir le débat en ligne. Avec légèreté ou sur un ton plus grave, Saad Hariri répond en personne - son service de presse a dû confirmer l’authenticité de son compte pour convaincre les incrédules - aux internautes lors de séances de questions-réponses. Certaines discussions peuvent durer jusqu’à deux heures de temps sur le site de microblogging.
Cette démarche assez rare dans la région, où les dirigeants rendent rarement des comptes aux citoyens, a été saluée en ligne. "J’admets que suivre @HaririSaad sur Twitter devient intéressant. Il est en train de prouver qu’il a les pieds sur terre, ça change des seigneurs de guerre du Liban", tweete @MohanadHageAli.
Le régime syrien en ligne de mire
L’ancien Premier ministre, 41 ans, s’exprime sur tous les sujets en moins de 140 caractères : de sa vie personnelle et ses loisirs, en passant par ses plats et musiques préférés, à la situation politique au Liban et la crise en Syrie. Ce dernier point l’intéresse particulièrement. Au point de se montrer très offensif et en n’hésitant pas à évoquer "des massacres inacceptables". 
A la question de @RolandYounan, qui l’interroge sur l’opportunité d’organiser une grande manifestation de soutien au Liban en faveur du peuple syrien, Saad Hariri répond : "Vous voulez l’organiser sans moi ? Attendez-moi et vous l’aurez votre grande manif'." Et de répéter qu’il soutiendra "toujours" la révolte en Syrie, non sans espérer que "Bachar" partira le plus tôt possible. "On est vendredi [ndlr : 4 novembre], je suis assis et je regarde ce qui se passe en Syrie, davantage de sang pour la liberté répandu par l’oppresseur [...]", écrit-il encore.
La rancœur tenace du leader sunnite à l’égard du régime syrien alaouite n’est pas nouvelle. Sa famille et ses proches avaient pointé Damas du doigt en février 2005, l’accusant d’avoir commandité l’assassinat de son père Rafic Hariri, ancien Premier ministre et poids lourd de la scène politique libanaise. Devenu chef du gouvernement à son tour en 2009, Saad Hariri a dû se résoudre à se rendre dans la capitale syrienne et serrer la main du président Assad. Un revirement politique qui avait stupéfié ses partisans. "Vous croyez que j’étais content d’aller en Syrie ?", tweete-t-il le 8 novembre, non sans ironie.
"Je reviendrai"
Le caractère éminemment politique des tweets concernant le Liban et la Syrie n’a pas échappé aux observateurs. Selon Imad Bazzi, un influent blogueur libanais, les hommes politiques libanais tel que Saad Hariri et l’actuel Premier ministre Nagib Mikati ont investi les réseaux sociaux "parce qu’ils ont pris la mesure de leur impact après le printemps arabe". Et d’ajouter lors d’un entretien accordé au quotidien anglophone "Daily Star" : "Ils ont enfin compris ce que ce média peut leur apporter en terme d’exposition."
Justement, mis à part quelques passages éclairs au Liban depuis la chute de son gouvernement en janvier 2011, Saad Hariri a disparu de la scène politique libanaise. Une absence physique brocardée pas ses adversaires politiques et regrettée en privé par certains membres de l’opposition, qu’il est censé diriger. A travers ce come-back virtuel aux affaires, Saad Hariri prépare donc un retour sur la scène politique libanaise, en vue des législatives de 2013. "J’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir et, à mon retour, je vais dire de manière très honnête ce qui doit être fait", écrit-il.
En juin, plusieurs services secrets étrangers l’avaient mis en garde contre une tentative d’assassinat planifiée par le régime syrien, selon des informations publiées par "Libération". Depuis, il vit entre Riyad, la capitale de l’Arabie Saoudite, son parrain politique, et Paris où sa famille possède plusieurs propriétés. "Tous les dirigeants du 14 Mars [ndlr : alliance des partis de l’opposition] sont menacés, mais ils sont quand même restés au Liban. Pourquoi ne rentrez-vous pas ?", l’interroge @MhdSwaid. "Je reviendrai. La question sécuritaire est très sérieuse mais je reviendrai", a-t-il répondu.