Alors que le rapport de l'AIEA sur les activités nucléaires de l'Iran suscite de vives réactions, Yves Bonnet, président du Centre international de recherche sur le terrorisme, estime que Téhéran est "en capacité de fabriquer l'arme nucléaire".
L’Iran est-elle en train de se doter de l’arme atomique ? Cette question récurrente se pose de nouveau depuis que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a rendu public, mardi, un rapport dans lequel elle affirme avoir "de sérieuses inquiétudes concernant une possible dimension militaire du programme nucléaire iranien".
Citant des informations "crédibles" de ses Etats membres et d'autres sources, l'agence énumère dans une annexe de treize pages une série d'activités pouvant être liées à la mise au point d'armes nucléaires : tests d'explosifs puissants, fabrication d'un détonateur de bombe atomique...
Le document précise : "Avant 2003, ces activités se sont déroulées dans le cadre d'un programme structuré... Certaines activités pourraient toujours être en cours... Si certaines peuvent avoir des applications aussi bien civiles que militaires, d'autres sont spécifiquement liées à la mise au point d'armes nucléaires."
"La capacité à fabriquer l’arme atomique"
Pour Yves Bonnet, président du Centre international de recherche sur le terrorisme (Ciret) et ex-directeur du contre-espionnage en France, il n’existe aucune ambiguïté sur les intentions de la République islamique d’acquérir l’arme atomique. "Téhéran n’a jamais fait de mystère à ce sujet, commente-t-il. Déjà en 1981, l’ayatollah Beheshti l’avait annoncé." Et de poursuivre : "L’Iran est en capacité de fabriquer les deux demi-sphères pour créer l’arme atomique : elle est donc à portée de main."
Pour appuyer ses dires, Yves Bonnet évoque la politique de dissémination des sites de production et la présence en Iran de techniciens russes et sud-coréens spécialisés dans l’armement nucléaire. L’agence onusienne estime en effet que l'Iran a bénéficié de l'aide d'un "réseau nucléaire clandestin", faisant écho à des informations selon lesquelles un savant russe et des experts pakistanais ont prêté main-forte à Téhéran.
"Certaines informations ne figurent pas dans le rapport afin de protéger les sources des différents gouvernements, russe notamment", précise François Géré, président de l’Institut français d’analyse stratégique.
L'AIEA, qui enquête depuis huit ans sur le programme nucléaire iranien, exhorte Téhéran à se mettre "sans délai" en rapport avec elle pour éclaircir ces soupçons.
it"Un rapport déséquilibré"
De son côté, Téhéran continue de démentir tout caractère militaire de son programme et rejette en bloc les accusations de l'agence, affirmant qu'elles sont fondées sur des éléments anciens, incluant certains faux documents "fabriqués par Washington". "[Le rapport] est déséquilibré, manque de professionnalisme et répond à des mobiles politiques", vitupère Ali Asghar Soltanieh, représentant du pays auprès de l'AIEA.
En réaction, les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux devraient prôner de nouvelles sanctions contre Téhéran pour dissimulation d'activités nucléaires sensibles et manque de coopération avec les inspecteurs de l'AIEA. La saisine du Conseil de sécurité de l'ONU "s'impose", a affirmé le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, réclamant des "sanctions dures" et "sans précédent".
De nouvelles sanctions contre Téhéran ?
Pour cela, ils vont devoir convaincre Moscou et Pékin, amis indéfectibles du régime et membres du Conseil de sécurité, de renforcer les sanctions de l'ONU - qui a infligé, depuis 2007, quatre séries de sanctions économiques et financières au pays. Reste que, pour Yves Bonnet, la communauté internationale "a tout essayé pour stopper la marche de l’Iran vers le nucléaire, notamment en imposant des sanctions financières. Mais cela n'a pas suffi".
La Russie a, pour sa part, critiqué le rapport en faisant valoir qu'il réduirait les chances de dialogue avec Téhéran sur ses activités nucléaires et qu'il avait pour objet de faire échouer une solution diplomatique. "Nous avons des doutes sérieux quant au bien-fondé d'initiatives révélant au grand public le contenu du rapport, principalement parce que c'est précisément maintenant que semblaient apparaître des chances de reprise du dialogue entre les six médiateurs internationaux et Téhéran", déplore le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. De son côté, la Chine a demandé mardi à l'Iran de coopérer "avec sincérité" avec l'AIEA, préconisant "le dialogue et la coopération".
Pour rappel, le chef de l'Etat israélien, Shimon Peres, avait évoqué dès dimanche des frappes préventives contre les installations de Téhéran. "L’intervention israélienne ne serait pas efficace en raison de la dispersion des installations", estime Yves Bonnet, qui préfère opter pour "un renversement du régime, en soutenant l’opposition". Depuis la publication du rapport, Israël se refuse à tout commentaire, expliquant en "étudier" le contenu.