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Avec la rigueur, tous les chemins mènent-ils à Athènes ?

Le plan de rigueur dévoilé lundi par le Premier ministre François Fillon n’est pas aussi important qu'en Grèce ou au Portugal. Mais la logique est similaire et fait peser, selon des économistes, un risque de scénario à la grecque sur la France.

A l’instar d’autres pays européens, tels que la Grèce, l’Italie ou encore l’Espagne, la France vient de s’engager fermement sur le chemin de la rigueur. “Le budget 2012 sera le plus rigoureux depuis 1945”, a prévenu samedi 5 novembre le Premier ministre François Fillon. Il en a fait la démonstration, deux jours plus tard, en dévoilant le deuxième train de mesures d’austérité depuis trois mois, qui visaà économiser 65 milliards d’euros d’ici 2016. Le gouvernement veut ainsi réduire les déficits et rassurer les marchés et les agences de notation.

Un objectif similaire a présidé à l’adoption des plans de rigueur dans les autres pays européens. Mais “la grande différence est que l’austérité annoncée en France est d’une ampleur beaucoup moins importante que celle infligée aux Grecs, aux Portugais ou aux Irlandais”, explique à France 24 Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

La France perdra-t-elle son AAA ?

Pourtant, si la potion est moins amère en France, la formule utilisée pour l’élaborer n’est pas plus différente que dans les pays dit “fragiles” de la zone euro. “Dans tous les cas, les gouvernements s’attaquent aux classes moyennes, c’est-à-dire à ceux qui consomment le plus, et privilégient la réduction des dépenses à l’augmentation des recettes”, déclare à France 24 Gaël Giraud, chercheur en économie au CNRS et membre de l’École d’économie de Paris. Dans ces conditions, ce signataire de l’”Appel des économistes attérés” - un collectif qui réclame une réforme du capitalisme mondial - juge que les plans de rigueur français produiront les mêmes effets que dans les pays actuellement en difficulté financière. “L’austérité va clairement faire chuter la croissance en France”, affirme Mathieu Plane, qui craint même un retour de la récession à partir de l’année prochaine.

Sans croissance, la France risque d’avoir du mal à réduire sa dette. “Tant que le taux d’intérêt auquel la France emprunte sur les marchés financiers (actuellement supérieur à 3% ndlr) sont supérieurs à la croissance (qui devrait être de 1%), la dette va continuer à progresser”, souligne Gaël Giraud. Conséquence : “Si le but est de rassurer les agences de notation, c’est raté d’avance”, regrette l'économiste qui prédit la perte du fameux AAA français l’année prochaine.

Mais le gouvernement français n’avait pas d’autres choix que de s’attaquer aux déficits. “Ne pas le faire aurait été suicidaire, notamment à l’égard des marchés financiers”, explique Mathieu Plane. Ces derniers s’attendent en effet à des efforts budgétaires pour les rassurer sur la solidité économique des États auxquels ils prêtent de l’argent. La dégradation continue des finances publiques grecques, irlandaises et portugaises avaient, ainsi, déclenché la flambée des taux d’intérêt auxquels ces pays pouvaient emprunter sur les marchés. In fine, ces États ont dû se résoudre à demander des plans de sauvetage internationaux pour continuer à se financer.

En finir avec les cadeaux fiscaux

Reste qu’il y a manière et manière de s’attaquer aux déficits. “Le problème n’est pas de réduire les dépenses comme le propose le gouvernement, mais bien plus d’augmenter les recettes, notamment en revenant sur les cadeaux fiscaux faits depuis près de dix ans”, assure Gaël Giraud, qui milite pour une augmentation des impôts surtout pour les Français les plus riches.

Outre une autre logique fiscale en France, d’autres soutiennent l’idée d’une action concertée au niveau européen. “Il faut en finir avec les objectifs chiffrés de réduction des déficits, c’est notamment à cause de ça que les agences de notation sanctionnent les États”, estime Mathieu Plane. Sans réelle croissance, il est, en effet, difficile d’atteindre des objectifs comme les fameux critères de Maastricht (un déficit qui ne doit pas dépasser 3% du PIB par exemple). Mais une réforme en profondeur des traités fondateurs de la zone euro ne sont actuellement pas à l’ordre du jour.