Réunis en sommet à Bruxelles ce dimanche, les chefs d'État et de gouvernement européens planchent sur un plan destiné à sortir l'Union de la crise de la dette. Aucune décision ne sera annoncée avant mercredi.
REUTERS - A mi-chemin d'une série de réunions et sommets décisifs pour l'avenir de l'euro, les Européens peinaient toujours dimanche à définir une réponse d'envergure à la crise de la dette qui, après la Grèce, l'Irlande et le Portugal, menace désormais d'emporter l'Italie et l'Espagne.
Comme lors des réunions des ministres des Finances vendredi et samedi, peu ou pas de progrès concrets ont été enregistrés lors d'un sommet européen au cours duquel les acrimonies entre membres et non membres de la zone euro, mécontents d'être tenus
à l'écart de décisions les affectant, ont failli faire déraper la rencontre.
Passablement énervé par cette situation, Nicolas Sarkozy s'en est pris dans la salle du Conseil aux pays qui comme la Grande-Bretagne et la Pologne bloquaient les travaux en réclamant une coordination accrue entre les deux groupes.
"Si aujourd'hui et mercredi nous ne trouvons pas des solutions, nous allons tous couler. Une solution doit être trouvée pour les banques, la Grèce et le fonds de soutien, tout
est important", s'est emporté le chef de l'Etat, selon un compte-rendu de la rencontre que s'est procuré Reuters.
"Si nous ne trouvons pas de solutions, nous ne reviendrons pas dans cette salle de réunion. Ni les pays de la zone euro ni les pays non membres de la zone euro", a-t-il lâché.
Lors d'une conférence de presse conjointe longtemps retardée par ces chamailleries, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont affirmé qu'aucune décision ne serait prise dimanche sur les trois volets de la réponse européenne à la crise : recapitalisation bancaire, réduction de la dette grecque et réforme du Fonds européen de stabilité financière (FESF).
"Aujourd'hui, les Dix-Sept ne prendront pas de décisions mais entreprendront des préparatifs tout à fait importants (...) Nous avons eu beaucoup de travaux préparatoires techniques qui ne sont toujours pas achevés; voilà pourquoi il était nécessaire d'avoir un deuxième étage de ce Conseil mercredi", a dit la chancelière allemande tout en soulignant un vaste consensus sur le soutien à apporter aux banques.
Nicolas Sarkozy a quant à lui signalé que les travaux avançaient "bien" sur les trois dossiers mais que leur complexité rendait les discussions très lentes.
LE FESF NE SERA PAS UNE BANQUE
Après avoir fait le forcing en coulisses pour transformer le FESF en banque et lui donner accès à des liquidités illimitées de la Banque centrale européenne, le président français a finalement dû se résoudre à renoncer à cette option, à laquelle s'opposait l'Allemagne et la BCE elle-même.
En dépit du fort soutien international et européen à la proposition française (voir ), Berlin n'a pas cédé sur l'interdiction faite à l'institution de Francfort de financer les pays de la zone euro, comme l'excluent les traités européens depuis la création de l'euro.
"Les ministres des Finances ont envisagé deux modèles hier. Les deux n'englobent pas la BCE parce que les traités ne le permettent pas", a tranché Angela Merkel.
Selon plusieurs sources de haut rang au sein de la zone euro, ces deux options consistent, d'une part, en un mécanisme permettant d'assurer à hauteur de 20% les nouveaux titres de dette émis par les pays de la zone euro en difficulté et d'autre part, en la création d'un nouveau "véhicule spécial" qui serait alimenté par des investisseurs privés et pourrait lever des fonds sur les marchés grâce à une garantie du FESF. Les fonds levés seraient alors utilisés pour racheter de la dette sur le marché secondaire.
Les deux mécanismes pourraient être combinés pour obtenir un effet maximum, en fonction du mandat qu'Angela Merkel parviendra à arracher à ses parlementaires, qui doivent désormais donner leur assentiment pour toute réforme du fonds de soutien à l'euro.
La France pousserait par ailleurs auprès de la BCE pour que cette dernière s'engage à continuer à acheter de la dette des pays en difficulté sur le marché secondaire tant que cela sera nécessaire.
Une ligne en ce sens pourrait être inclue dans le communiqué de mercredi, ont dit plusieurs sources.
BANQUES : 100 MILLIARDS DE CAPITAUX SUPPLÉMENTAIRES
Concernant les banques, les deux dirigeants ont fait état d'un vaste consensus même si les négociations se poursuivent, notamment avec les établissements bancaires eux-mêmes, qui sont sollicités pour accepter des pertes plus importantes sur leurs titres souverains grecs.
Au terme d'un accord trouvé samedi au niveau ministériel, une soixantaine des plus grandes banques européennes devront se recapitaliser d'ici au 30 juin 2012 à hauteur de 100 milliards d'euros afin d'afficher un ratio minimum de 9% de fonds propres "durs" (core Tier One).
Quelque 38% de cette somme, qui pourrait ne pas être publiée officiellement, devrait revenir aux trois pays déjà sous programme d'aide : Grèce, Portugal et Irlande.
Les banques devront par ailleurs marquer leurs titres de dette souveraine à leur valeur de marché et les établissements qui ne se plieront pas à cette série de règles ne seront pas autorisés à verser des dividendes à leurs actionnaires et des primes à leurs dirigeants.
Les Vingt-Sept ont enfin évoqué samedi une réactivation des garanties offertes aux banques à l'automne 2008, au plus fort de la crise, pour leur permettre de trouver des financements à moyen et long terme, a-t-on appris de même source.
Selon ce document, trois modèles sont à l'étude, avec différents degrés de coordination européenne entre les mécanismes de garanties.
L'ITALIE SOMMEE D'AGIR
L'issue du dossier grec et la décote qui sera appliquée aux titres souverains du pays est plus incertaine, les Européens restant divisés sur le niveau de l'effort qui doit être demandé aux banques ainsi que sur son caractère volontaire ou non.
Selon un rapport qui servira de base aux décisions des dirigeants de la zone euro, les créanciers privés d'Athènes pourraient devoir accepter une perte allant jusqu'à 60% sur leurs titres souverains.
Mais, craignant de déclencher un événement de crédit aux conséquences imprévisibles, la France et plusieurs autres pays se montrent réticents à aller au-delà de l'enveloppe de 50 milliards d'euros négociée le 21 juillet dernier avec les banques, comme le réclame Berlin si besoin en forçant ces dernières à faire un effort supplémentaire.
Une rencontre est prévue d'ici mercredi entre Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et le Premier ministre grec George Papandréou pour tenter d'aplanir les différences.
Outre la Grèce, le couple franco-allemand a considérablement accru la pression sur l'Italie, qui, si elle devait continuer à perdre la confiance des marchés, menacerait l'ensemble de l'édifice de la zone euro.
Les deux dirigeants ont dit avoir insisté auprès du président du Conseil italien Silvio Berlusconi, avec qui ils se sont réunis en prélude au sommet, pour que celui-ci mette en oeuvre avec énergie un programme de croissance et de réduction de la dette transalpine.
"J'espère que les décisions nécessaires seront prises (...) l'Italie est une grande force économique mais l'Italie a une dette publique très élevée qu'il faudra réduire de façon crédible dans les années à venir", a déclaré Angela Merkel.
Nicolas Sarkozy a surenchéri en disant que Paris et Berlin faisaient "confiance au sens des responsabilités de l'ensemble des autorités italiennes politiques, financières et économiques", a dit Nicolas Sarkozy.