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Première femme élue à la tête d’un pays d’Afrique en 2005, Ellen Johnson Sirleaf, qui vient de se voir décerner le prix Nobel de la paix 2011, brigue un deuxième mandat dans un pays ravagé par quatorze ans de guerre civile.

La récente attribution du Nobel de la paix 2011 à la cheffe de l'État Ellen Johnson Sirleaf, - qui l’a reçu conjointement avec sa compatriote militante pacifiste Leymah Gbowee et la Yéménite Tawakkol Karman - va-t-elle changer la donne de la présidentielle au Liberia ?

Quoi qu’il en soit, cette distinction tombe à point nommé pour la candidate sortante, qui brigue un deuxième mandat à l'occasion du scrutin de mardi. Il s’agit seulement de la deuxième élection libre au Liberia depuis la démocratisation, en 2003, à l’issue de quatorze années de guerre civile (1989 à 2003) qui ont coûté la vie à 250 000 personnes et blessé des centaines de milliers d'autres.

"Ces élections font figure de test pour la démocratie", estime Titi Ajayi, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest pour l’ONG International Crisis Group et basée au Liberia. "Elles sont essentielles pour consolider la paix et poursuivre la reconstruction du pays."

Une agréable surprise à cinq jours du scrutin

Ellen Johnson Sirleaf, qui défend les couleurs du Parti de l’Unité, s’est dit "agréablement surprise" de recevoir cette distinction à moins de cinq jours du scrutin. "Elle envoie aux Libériens le message que la paix doit prévaloir", a déclaré la première présidente élue d'Afrique.

Reste que si Johnson Sirleaf est appréciée à l’étranger, elle est loin de faire l’unanimité dans son pays. Car cette ancienne ministre des Finances, formée à Harvard, n’est pas assurée d’une nouvelle victoire.

Au Liberia, où 1,8 million d’électeurs sont appelés aux urnes, son bilan apparait comme mitigé. En six années au pouvoir, Ellen Johnson Sirleaf, 72 ans, peut se targuer d’avoir augmenté les salaires des fonctionnaires, construit des écoles et hôpitaux, décroché des financements extérieurs et des remises de dette.

Mais les traces de la guerre civile sont encore visibles : le chômage culmine toujours à 80%, l'électricité est encore rare, au même titre que l'eau courante et les réseaux d'évacuation des eaux. La plus grande usine électrique du Liberia est toujours en ruines et l'autoroute principale dans un piteux état.

La défense d'un bilan

"Il y a eu beaucoup d’avancées, notamment en matière d’infrastructures, de liberté d’expression et de défense des droits de l’Homme", commente Titi Ajayi. "Le problème, c’est que ces progrès concernent essentiellement Monrovia, ce qui a créé une grande disparité avec le reste du pays". Durant toute la campagne, Johnson Sirleaf s’est attachée à défendre son bilan.

"En six ans, on ne peut pas reconstruire un pays ravagé", où "les infrastructures étaient détruites, où il n'y avait pas de loi. (...) Nous avons fait beaucoup de progrès", a-t-elle indiqué à l'AFP dimanche, en marge d'un meeting. Et d'ajouter : "La vie a changé pour beaucoup de gens, mais pas pour tout le monde. Nous avons encore des choses à réaliser."

Si la tâche s’annonce ardue pour la lauréate du Nobel de la paix, c’est aussi parce qu’elle devra faire face à 15 adversaires, dont son grand rival Winston Tubman, 70 ans, issu du Congrès pour le changement démocratique (CDC - opposition). Cet ex-diplomate d’origine américaine reproche à la présidente sortante son échec à mener à bien la réconciliation. Une critique qui s’appuie sur le rapport rendu l'année dernière par la Commission vérité et réconciliation (CVR), mise en place après la guerre.

Le document révèle que l'actuelle cheffe de l'État avait soutenu financièrement, au début des années 1990, l'ex-chef rebelle Charles Taylor - président du pays entre 1997 et 2003. La CVR a été jusqu’à recommander qu'elle soit exclue de tout poste électif pendant trente ans. Histoire d'enfoncer le clou, Winston Tubman a d'ailleurs récemment indiqué à l'AFP que la stabilité et la paix au Liberia ne sont pas attribuables à Sirleaf, mais à "la présence internationale et à l'énorme et coûteuse force" de la Minul.

Le ticket Tubman-Weah

S’il est arrivé en quatrième position lors du scrutin de 2005, Winston Tubman bénéficie d’un allié de taille : l’ancienne vedette du football George Weah. Très populaire chez les jeunes, ce dernier avait été battu au deuxième tour par Ellen Johnson Sirleaf, il y a six ans. Tubman, neveu de l’ex-président William Tubman, assure qu’il acceptera les résultats du scrutin, mais se dit "certain à 100%" de sa victoire. Quiconque autre que lui revendiquant la victoire aura "du mal à gouverner", menace-t-il.

En attendant les résultats du scrutin, la police libérienne et les 8 000 hommes de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) circulent dans les rues de Monrovia. Sur les murs de la capitale, on peut lire les affiches du Parti de l’Unité : "Tant que l'avion ne s'est pas encore posé, ne changez pas de pilote !"

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