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Un département français au secours d'un parc naturel équatorien

La Meurthe-et-Moselle est la première collectivité territoriale française à avoir répondu présent à un projet équatorien visant à protéger un parc naturel en Amazonie menacé par un forage pétrolier. Le département espère faire des émules.

Depuis le mois de juin 2011, le département de la Meurthe-et-Moselle, dans l'est de la France, s'est lancé dans un bien étrange challenge : persuader un maximum de collectivités françaises - d'ici à la fin de l'année - de contribuer financièrement à la préservation du parc national Yasuni, situé en Amazonie équatoriale, en soutenant un projet écologique mené par l’Équateur.

Baptisé Yasuni ITT, ce projet lancé en 2007 est pour le moins original et innovant : au nom de la préservation de l’environnement, Quito se dit prêt à renoncer au pétrole découvert dans le parc contre une aide financière internationale.

Concrètement, si le gouvernement équatorien parvenait à collecter 3,6 milliards de dollars ces 12 prochaines années, soit la moitié de ce que lui aurait rapporté cette exploitation, il accepterait de tirer un trait sur cette manne financière, qui ne représente pas moins de 20% des réserves du pays. Mieux, il lui serait alors possible d’y développer des projets énergétiques propres tout en protégeant les peuples indigènes résidant dans la zone (les Tagaeri et les Taromenane notamment) et déjà gravement menacés par la déforestation massive.

Yasuni qui renferme 982 000 hectares de forêt tropicale est une des régions les plus riches en biodiversité de la planète. L’exploitation du gisement, véritable mine d'or noir qui serait capable de produire 846 millions de barils de brut, constituerait un désastre écologique pour le poumon vert de la planète : car, en extrayant le pétrole, 400 millions de tonnes de carbone seraient susceptibles de se dégager dans l’atmosphère.

"Simple et révolutionnaire"

Des prévisions alarmistes qui n'ont pas laissé indifférent Denis Vallance, directeur général des services du Conseil général de Meurthe-et-Moselle. L'homme, à l'origine de l'engagement de son département dans ce programme, espère inciter d'autres collectivités à se joindre au projet.

"L’argent servira à financer les énergies renouvelables et à protéger la zone de la déforestation. Il y a donc plusieurs avantages à cela. D’une part, nous n’extrayons pas le pétrole, d’autre part, grâce aux dons, nous pourrons planter des arbres qui neutraliseront les émissions de CO2", déclare-t-il à France24.com.

C'est un voyage en Équateur en avril 2010 qui a convaincu Denis Vallance d'impliquer son département, dont la forêt recouvre 32% du territoire, dans cette aventure politico-écolo.

En novembre 2010, le département organise, en présence de l’ambassadeur équatorien Marco Erazo, la projection d'"Une idée simple et révolutionnaire", un documentaire réalisé par Laetitia Moreau ralliée à la cause. "À la fin de la projection, environ 100 personnes, dont des politiques, ont acclamé le projet", se rappelle Denis Vallance.

En juin 2011, une subvention de 40 000 euros est votée par l'assemblée départementale pour soutenir le programme équatorien. La somme est conséquente, elle représente un quart du budget total alloué à la Meurthe-et-Moselle pour financer des projets étrangers.

Mais qu’importe, estime Denis Vallance : "Il faut arrêter de se prétendre citoyens et de rester les bras croisés… Nous tenions à nous engager dans ce projet parce que nous sommes aussi des citoyens du monde."

Énergies renouvelables contre argent facile

Pour l’heure, le Fonds d'affectation spécial de l’ONU, qui gère les contributions apportées au projet, a récolté plus de 1,6 million de dollars - une goutte d'eau - et reçu des promesses de 53,3 millions de dollars lors d'une réunion la semaine dernière à laquelle ont participé le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et le président équatorien, Rafael Correa, impliqué dans ce projet depuis 2007.

"Ce n'est pas souvent qu'un gouvernement choisit le développement durable à l'argent facile. Pourtant, c'est ce que l'on voit. L'initiative en faveur de l'Équateur évolue sur de multiples fronts vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement [OMD]", a déclaré le patron de l'ONU.

À travers le monde, le projet Yasuni ITT séduit. Le Chili, l'Espagne, le Pérou, la Colombie, l'Italie et l'Australie se sont déjà engagés financièrement . D’autres pays, comme la Turquie ou même l’Iran, seraient prêts à faire un geste, selon l'hebdomadaire Courrier International.

D’autres négociations avec l’Allemagne seraient actuellement en cours. Le gouvernement français a quant à lui reçu en avril une délégation équatorienne, mais n’a pas encore communiqué à ce sujet.

En attendant, Rafael Correa et Denis Vallance continuent de chasser les potentiels donateurs. L’un à New York, l’autre en France. Et, le lobbying semble porter ses fruits. Dès le mois de décembre 2010, la région Rhône-Alpes avait décidé - grâce au travail de Corinne Morel Darleux (conseillère régionale de Rhône Alpes) - de se joindre au projet et s’est engagé à verser 150 000 euros cet automne. Un début prometteur, estime Denis Vallance. "Si les régions commencent à s’engager avec nous, le gouvernement sera bien obligé d’y réfléchir à son tour..."