Si la Grèce venait à faire faillite, elle ne serait pas le premier pays à subir cette situation. En 2001, l’Argentine était également passée par cette case. Et rétrospectivement, la banqueroute lui a plutôt bien réussi...
Le 7 décembre 2001, l’Argentine annonce qu’elle ne pourra plus honorer ses dettes, se plaçant de facto en situation de faillite. Dix ans plus tard, c’est au tour de la Grèce d’être menacée par la banqueroute. Elle deviendrait alors le deuxième pays au monde à faire faillite depuis le début du millénaire. Les gouvernements des États de la zone euro se relaient pour assurer qu’un "scénario argentin" n’est pas à l’ordre du jour en Europe. Dernier en date à s’être exprimé sur la question : le ministre français des Affaires européennes, Jean Leonetti. Il a affirmé, dimanche sur les ondes de France Info, que “la Grèce va éviter la faillite, parce que c'est l'intérêt de l'État et du peuple grec”.
Pourtant, la faillite n’est pas mortelle : l’Argentine y a survécu et son refus de payer ses créanciers a été “probablement la meilleure décision que le pays pouvait prendre à l’époque”, juge Christine Rifflart, spécialiste des économies d’Amérique latine à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Certes, mais en 2001, personne ne voyait la situation sous cet angle.
Un parallèle évident avec la Grèce
Le marasme dans lequel l’Argentine se trouvait rappelle les problèmes de la Grèce à bien des égards. Buenos Aires avait cumulé une dette abyssale, qui s’élevait, fin 2001, à 132 milliards de dollars. Le pays vivait sous la perfusion financière accordée par le Fonds monétaire internationale (FMI). Afin de continuer à percevoir l’aide internationale, le gouvernement argentin était sommé par le FMI de multiplier les plans de rigueur. Comme Athènes, l’Argentine ne pouvait pas non plus faire jouer la planche à billets pour soutenir son économie, l’argent se faisant plus rare à cause d’une fuite des capitaux - la valeur du peso était alignée sur le dollar. Cette crise avait engendré une fronde sociale violente et généralisée, ainsi qu’une misère de plus en plus importante.
“C’était la fin du modèle argentin, qui avait longtemps été cité en exemple par le FMI”, souligne Christine Rifflart. Après s’être résolu à ne plus payer ses créanciers, le gouvernement décidait, début 2002, de sortir du carcan de la parité entre le peso et le dollar - qui était pourtant le socle du modèle argentin depuis dix ans. La situation s’est alors très vite dégradée. Leur monnaie effondrée, les Argentins ont cherché à changer leurs pesos contre des dollars, poussant le gouvernement à intervenir. Celui-ci a imposé la conversion des comptes bancaires en dollars en peso et à parité égale, alors que la monnaie argentine avait plongé. "C’était une décision qui a fait perdre à un grand nombre d’Argentins, surtout de la classe moyenne, une part importante de leur épargne”, rappelle Christine Rifflart.
En Argentine, un retour à la croissance
La faillite de l’État argentin n’a pas affecté que les épargnants. “Toute l’économie a d’abord subi un choc d’une extrême violence”, explique cette spécialiste. Le PIB a en effet chuté de 5% entre fin 2001 et juin 2002 ; le chômage a explosé pour atteindre 24% de la population active fin 2002 - contre un peu moins de 15% deux ans plus tôt. Les prix se sont également envolés avec une inflation de 40% pour 2002. “A ce moment, le pays avait quasiment perdu sa classe moyenne”, remarque Christine Rifflart.
Mais cette descente aux enfers n’a duré qu’un an. “A partir de 2003, le chômage a commencé à baisser”, rappelle Christine Rifflart. La croissance faisait aussi son retour et avoisinait, fin 2003, les 9%. Deux ans plus tard, moins de 10% de la population active était au chômage. “Le défaut de paiement a permis au gouvernement de retrouver des marges de manœuvre budgétaires importantes”, souligne cette économiste.
De 2002 à 2004, Buenos Aires a, en effet, négocié avec ses créanciers - essentiellement des fonds de pensions ainsi que des banques américaines et européennes - les détails de la restructuration de sa dette. L’Argentine a obtenu que plus de 60% des créances soient jetées aux oubliettes : un bol d’air financier qui a été accompagné d'un redémarrage des exportations. “La dévaluation du peso a permis de rendre les entreprises argentines beaucoup plus compétitives sur la scène internationale”, explique Christine Rifflart.
Un tel redressement pourrait donner des idées à Athènes. Mais les autres pays européens risquent de ne pas laisser la Grèce emprunter cette voie radicale. “La faillite de l’Argentine ne mettait pas en danger toute une région”, tempère Christine Rifflart.