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Un cinéma grec d'un nouveau genre, insufflé par la crise

Alors que la Grèce est malmenée depuis plusieurs années par la crise de la dette, de jeunes réalisateurs helléniques ont réussi à redonner, grâce à leur films, un nouvel éclat à leur pays sur la scène internationale.

S’agit-il d’une nouvelle vague du cinéma grec ? Qualifiées de bizarres ou radicales, plusieurs productions helléniques s’illustrent depuis plus d'un an dans les grands festivals du 7e art. C'est notamment le cas d’"Alps", de Giorgos Lanthimos, qui vient de rafler le Prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise début septembre. L'histoire, racontée avec un mélange de ridicule et de tragique, est celle d’une société secrète - appelée Alps - qui propose de remplacer des personnes décédées par des comédiens.

Déjà en 2009 Lanthimos avait séduit la critique avec "Canine", qui avait remporté le Prix Un certain Regard au festival de Cannes et la Louve d’Or au festival du nouveau film à Montréal, et avait aussi été sélectionné pour l’Oscar du meilleur film étranger. Le réalisateur y propose un portrait surréaliste d’une famille grecque dans laquelle les trois adolescents restent cloîtrés chez eux sans avoir accès au monde extérieur. Résultat : les jeunes croient que les chats sont des assassins, prennent les petites fleurs jaunes pour des zombies et l’inceste pour une distraction quotidienne.

Manque de moyens

Une autre production grecque, "Attenberg" de Athina Rachel Tsangari (par ailleurs co-productrice de "Alps"), à l’affiche en France cette semaine, peut également se targuer d’avoir fait vibrer la Mostra de Venise. En 2010, Ariane Labed, actrice principale du film, y a remporté la coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine (elle a aussi reçu le même prix au Festival d'Angers 2011). "Attenberg" met en scène une jeune fille (Marina, interprétée par Ariane Labed) accro aux documentaires animaliers qui vit dans une zone industrielle déprimante d'Athènes et peine à établir des relations avec les autres, notamment avec son père malade.

Ces œuvres primées sont le fruit d'une nouvelle génération de réalisateurs qui doivent faire face aux aléas de la crise grecque qui plombe le pays depuis 2008. Si Lanthimos réfute l'idée d'un nouveau cinéma grec, il estime néanmoins que "les réalisateurs grecs partagent un point commun, le manque de moyens", indique-t-il dans un entretien accordé au "Guardian" le mois dernier. "Nous devons nous débrouiller avec peu de budget et faire de petits films".

Pour pallier ce manque de fonds, Lanthimos et Tsangari ont chacun produit le travail de l'autre. "Je l'aide pour son film, elle m'aide pour le mien", explique-t-il dans le quotidien britannique. "C'est le seul moyen de faire des films aujourd'hui. Il n'y a pas vraiment de producteurs en Grèce et il n'y a plus d'argent public. La plupart du temps, nous ne savons pas comment nous allons nous en sortir, c'est un cauchemar. Mais au moins, c'est fait avec amour."

"Ils font des films à tout petit budget, mais ils ont de grandes idées", indique à l'AFP Yannis Zoumboulakis, critique cinéma au quotidien "To Vima". "Ils ont arrêté de chercher des subventions qui étaient l'alpha et l'omega du cinéma grec auparavant."

Rupture

L’émergence du nouveau cinéma grec est née en 2008 avec "L'Académie de Platon" de Philippos Tsitos (une comédie amère sur un buraliste grec qui redoute de découvrir qu’il a des origines albanaises), suivi de "Canine" de Lanthimos, selon Yiannis Zoumboulakis. Ce manque de moyens les a contraints à développer un cinéma d’un nouveau genre, rompant ainsi avec les réalisateurs des années 1980-1990 qui sont peu sorti de l’ombre de l’œuvre de Theo Angelopoulos, 76 ans, Palme d'Or à Cannes en 1998.

Mais les récompenses obtenues n'ont pas été synonyme de jackpot pour autant. "Je pensais que le succès de "Canine" allait améliorer les choses, mais je ne le pense plus", a commenté Lanthimos. "Je ne sais pas encore combien de temps les gens ici vont se sacrifier pour l'art."
 

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