La Russie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour avoir démantelé le géant pétrolier Ioukos et emprisonné ses dirigeants - dont Mikhaïl Khodorkovski, ennemi juré du Premier ministre Vladimir Poutine.
REUTERS - La Russie a été condamnée mardi par la Cour européenne des droits de l'homme pour le caractère inéquitable de la procédure qui a conduit au démantèlement du groupe pétrolier Ioukos et à l'emprisonnement de ses dirigeants.
L'arrêt, qui est susceptible d'appel, est néanmoins favorable à Moscou sur plusieurs points, dont celui du caractère politique des poursuites invoqué par Ioukos, qu'il ne reconnaît pas.
Les juges ont reporté leur décision sur l'indemnisation des ayants droits de l'entreprise, qui réclament 100 milliards de dollars, en invitant les deux parties à rechercher un accord sur le sujet.
Un représentant du ministère russe de la Justice a estimé que l'arrêt de Strasbourg constituait une défaite pour les représentants de Ioukos qui souhaitaient voir reconnaître la thèse d'un complot ourdi par le Kremlin.
"C'est une très grosse claque pour eux", a déclaré Andrei Fiodorov. "Ceux qui connaissent bien le sujet peuvent difficilement affirmer que le résultat est négatif pour la
Fédération de Russie."
Accusée de fraude fiscale en 2003, Ioukos, la plus importante compagnie pétrolière russe de l'époque, avait fait l'objet d'un redressement fiscal massif qui avait conduit en quelques mois à son démantèlement et à la vente de ses principaux actifs à une entreprise d'Etat.
Son PDG, Mikhaïl Khodorkovski, qui était l'un des hommes les plus riches de Russie et qui soutenait des mouvements d'opposition à Vladimir Poutine, alors président de la Fédération de Russie, purge une peine de 13 ans de prison.
Les juges de la Cour européenne estiment, par six voix contre une, que la procédure ayant conduit à la condamnation de l'entreprise pour fraude fiscale a été inéquitable en raison de son caractère expéditif.
Ses avocats avaient disposé de quatre jours, en mai 2004, pour étudier les 43.000 pages du dossier sur lequel ils devaient plaider devant le tribunal de commerce de Moscou. Le jugement avait été prononcé à l'issue des audiences et la procédure d'appel avait été programmée trois semaines plus tard.
Moscou n'a pas voulu détruire Ioukos
La Cour rejette les autres arguments de Ioukos concernant l'inéquité de la procédure mais constate, par quatre voix contre trois, qu'une partie des poursuites, concernant les années 2000 et 2001, auraient été prescrites sans une application rétroactive de la loi.
Elle conclut à une violation du droit de propriété sur ce point.
Lors de l'audience qui s'était déroulée à Strasbourg le 4 mars 2010, l'avocat de Ioukos avait qualifié l'affaire "d'expropriation d'Etat" et dénoncé le caractère "politique" des poursuites engagées contre sa cliente.
La Cour lui donne en partie raison en estimant par cinq voix contre deux que le caractère "disproportionné" des mesures de recouvrement imposées à Ioukos à l'issue de sa condamnation s'apparente également à une violation du droit de propriété.
Le groupe étant incapable de s'acquitter, dans les délais imposés, des milliards d'euros et des pénalités dûs au fisc, l'Etat avait saisi et mis en vente Yuganskneftgaz, sa filiale de production et principale source de revenu.
Les juges affirment pourtant, à l'unanimité, qu'en dehors des "défaillances" constatées, rien ne permet de "conclure que la Russie a détourné cette procédure pour détruire Ioukos et prendre le contrôle de ses actifs".
Le 31 mai dernier, Mikhaïl Khodorkovski avait lui-même obtenu à Strasbourg la condamnation de la Russie pour le caractère irrégulier de ses conditions d'interpellation et de détention, avant la tenue de son procès.
Il n'avait en revanche pas obtenu la reconnaissance du caractère politique des poursuites dirigées contre lui. Moscou avait considéré ce fait comme une victoire.