
Alors que les forces de sécurité du nouveau régime libyen maintiennent l'étau sur Syrte, bastion loyaliste où pourrait se cacher l'un des fils de Mouammar Kadhafi, de nombreuses familles prennent la route de l'exil pour échapper aux combats.
AFP - "Un soldat de Kadhafi nous empêchait de partir, donc on a quitté la ville par une route détournée tôt ce matin avant le début des combats". Comme Sanaa Ali Mansour, 25 ans, de nombreux habitants fuient Syrte, un des derniers bastions de Mouammar Kadhafi en Libye.
En route avec son mari pour Misrata, à quelque 250 km au nord de Syrte, elle accuse les kadhafistes de les avoir utilisés comme "boucliers humains", les empêchant de partir avant qu'ils ne parviennent finalement à leur fausser compagnie.
"Les forces de Kadhafi tirent à l'artillerie lourde (...) entre nos maisons", explique de son côté Tarek Mohammed, lui aussi en fuite avec sa femme et sa fille.
Son quartier a été l'épicentre des combats ces derniers jours, après l'offensive lancée jeudi par les forces du nouveau pouvoir libyen. "Il y a eu de nombreux morts hier (dimanche), notamment des enfants", dit-il.
Quelques familles sont escortées par des combattants anti-Kadhafi, certains les empêchent de parler à la presse.
"Trois des enfants de mes voisins sont morts hier dans des tirs croisés", ose tout de même raconter Wafia Ahmed, une Bédouine de 70 ans.
Selon elle, les soutiens à Mouammar Kadhafi se sont réduits à Syrte, avec la pénurie d'essence, d'électricité, d'eau et de médicaments depuis des mois. "Il n'y a plus que sa tribu, les Kadhadfas, qui est avec lui", dit-elle, ajoutant que "quelques écervelés ignorants" continuent à le soutenir parce qu'aucune information ne leur parvient.
Mais les combattants du Conseil national de transition (CNT) soupçonnent un soutien plus important. "La majorité des habitants sont avec Kadhafi", estime Zoubeir al-Gadir, porte-parole du Conseil militaire de Misrata.
Alors que des roquettes tirées par les pro-Kadhafi tombent, les combattants du CNT répliquent à la roquette et aux obus de mortier, assurant ne pas vouloir utiliser l'artillerie lourde pour éviter des pertes civiles.
"Nous essayons de faire sortir les habitants de Syrte pour les emmener vers les zones libérées. Nous ne pouvons pas utiliser d'armes lourdes dans la ville elle-même", explique le commandant Salah Badi.
"J'ai peur des combats et des tirs à l'aveugle des deux côtés", gémit Mohammed Rumeitri, 65 ans, selon qui seul un quart des 130.000 habitants de Syrte ont fui. Saleh Jeha, un commandant du Conseil militaire de Misrata, estime pour sa part que la moitié de la population est partie.
Huit familles, soit 84 personnes, dont des enfants, se sont réfugiées dans une mosquée, s'abritant à la fois du soleil écrasant et des combats.
Sania Tahar, une Libano-américaine de 29 ans qui enseignait l'anglais à Touarga avant la guerre, raconte que le groupe a marché sans but depuis le village d'Oum al-Gandil, à l'est, jusqu'à ce qu'il tombe sur des rebelles qui les ont tous conduits à la mosquée.
"Les enfants sont malades et effrayés par le bruit et l'odeur des tirs et des explosions", dit Aziza qui explique qu'elle a fui Touarga en mars quand les frappes de l'Otan ont commencé.
"Que vous alliez à droite ou à gauche, vous pouvez être touché par une balle", souligne Mariam Omar, 41 ans.
Alors qu'on lui demande ce qu'elle pense de Mouammar Kadhafi, elle explique "ne plus savoir ce qui est bon ou mauvais, car les gens sont emportés dans un cyclone où tout le monde vous ment".