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Les musulmans de la Goutte d'or ne prieront plus dans la rue

Pour mettre fin aux prières dans la rue, l'État et deux mosquées de Paris ont trouvé un accord. Désormais, les fidèles du quartier de la Goutte d'or pourront prier dans un nouveau lieu de culte, installé dans une caserne de pompiers.

Ils sont une dizaine de jeunes garçons du quartier de la Goutte d’or, dans le 18e arrondissement parisien, à être venus prêter main forte bénévolement pour transformer le garage désaffecté du boulevard Ney en une salle de prière digne de ce nom. Quelque 4 000 fidèles musulmans y sont attendus vendredi.

Pour résoudre le problème des prières de rue dans le quartier de la Goutte d’or, où les mosquées de la rue Myrha et de la rue Polonceau connaissent les vendredis une affluence difficile à contenir, l’État a mis à leur disposition deux salles de 750 et 650 m² , dans une ancienne caserne de pompiers, avenue des Poissonniers.

Le nez masqué par leur chèche pour éviter de respirer la poussière, les gamins, qui prient habituellement dans la mosquée de la rue Myrha, font le ménage dans une ambiance bon enfant. "C’est important, parce que d’habitude on prie dans la rue. Un lieu de prière, c’est "respect" ! Alors c’est normal de venir aider", explique Hamid, balai et seau à la main.

À la veille du jour d’ouverture, il reste beaucoup de travail à abattre. Le mihrab – la niche qui indique la direction de la Mecque - attend dans un coin du hangar d’être mise en place. Les tapis doivent être posés, l’espace des femmes installé. Mais le cheikh Salah Hamza, l’imam de la mosquée Khaled Ibn-Walid de la rue Myrha, se dit confiant.

"La nuit dernière, j’ai bien dormi. Il y a encore trois semaines, j’étais sceptique parce que les choses ont traîné, on n’arrivait pas à trouver un accord sur le lieu. Mais là, nous avons trouvé une solution idoine et je suis soulagé. La prière de rue, c'est fini !", confie-t-il à FRANCE 24.

En 2010, les prières de rue dans le quartier avaient fait polémique, des groupes d’extrême droite avaient même appelé à un "apéro saucisson-pinard", finalement annulé, pour dénoncer "l’islamisation" du quartier.

Mettre fin aux prières de rue

Le problème des prières de rue n’est pas récent. Les deux mosquées de la Goutte d’or sont débordées depuis la fermeture, il y a une dizaine d’années, de la mosquée de la rue de Tanger (dans le 19e arrondissement) qui accueillait plus de 4 000 fidèles.

"Il y a dix ans, c’était l’islam des caves, explique Daniel Vaillant, maire du 18e arrondissement, à FRANCE 24, ce qui n’était pas acceptable : les hommes priaient dans le sous-sol, dans les caves… Puis il y a eu les prières de rue. Il a fallu attendre l’élection de Bertrand Delanoë en 2001 pour trouver une solution pérenne avec la constitution de l’Institut des cultures d’islam."

Implanté au cœur du quartier la Goutte d’Or, l’Institut culturelle doit revendre, en 2013, deux espaces dévolus à la prière aux associations musulmanes du quartier. Mais pour le gouvernement, la question des prières de rue devait être réglée en urgence. Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a en effet rappelé ce jeudi dans les colonnes du Figaro qu’"il n’y aura plus de prières dans la rue dès le 16 septembre. Si d’aventure, il y a des récalcitrants, nous y mettrons fin".

Depuis plusieurs semaines, la préfecture de police s’était donc mise en quête d’un lieu d’accueil convenable. Le hangar désaffecté de l’ancienne caserne de pompier a fini par être adopté sur la base d’un accord consensuel signé entre l’imam de la mosquée de la rue Myrha, son homologue Moussa Niambélé, l’imam de la salle de prière de la rue Polonceau et le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.

Changer les habitudes du quartier

Le choix d’une caserne comme lieu de culte n’a pas été sans soulever de polémique. Parmi les points épineux, la configuration du lieu dont les plafonds hauts d’une dizaine de mètres, posent des problèmes de chauffage et de climatisation, ainsi que l’orientation du bâtiment, qui n’est pas dans le sens sud/sud-est, en direction de la Mecque.

Les fidèles rencontrés devant les mosquées de la Goutte d’or semblent néanmoins s’accommoder de ces inconvénients. "Je préfère la caserne que la route ! Avant, on priait souvent dehors, jusque dans le trottoir et même les jours de pluie. Dans notre religion, il faut laisser le "droit de la route". On doit donner le bon exemple, et on ne peut pas continuer d’importuner les gens du quartier qui n’ont rien à voir avec l’islam", explique Djamal, 46 ans, qui vient des Yvelines pour prier à Khaled Ibn al-Walid.

Saïd, un habitant du quartier, partage le même avis : "Si la caserne est bien rénovée, pourquoi pas ? Tant que cette solution est acceptée par une majorité de musulmans. Ca ne nous dérange pas de changer nos habitudes tant que cela ne bouscule pas nos principes."

Afin que la salle de prière soit à la hauteur des attentes de la communauté de fidèles, les bénévoles s’activent. Dans la salle des ablutions, un ouvrier passe encore des coups de truelle pour fixer les derniers carreaux et calfeutrer les failles. Pour la décoration, on attendra. Le cheikh Salah Hamza compte cependant investir quelque 80 000 euros dans les trois prochaines années pour faire de la caserne une "mosquée trois étoiles".