
À quatorze mois de l’échéance présidentielle, le taux de chômage pourrait mettre en danger le président Barack Obama. Les électeurs américains sanctionneront-ils dans les urnes la politique économique menée pour redresser le pays ?
Confronté au ralentissement de la croissance américaine et à un taux de chômage culminant à 9,1%, Barack Obama serait-il sur un siège éjectable ? À quatorze mois de l’échéance présidentielle, englué dans des querelles politiciennes au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette et affaibli par sa défaite aux élections de mi-mandat en novembre, le président américain doit désormais affronter un nouveau colosse politique : la panne de son économie.
Un sujet épineux qui pourrait sonner le glas de l’ère démocrate. Il n'est pas certain que l’annonce d’un nouveau plan de relance de l’emploi jeudi, suffise à retourner l’opinion. "Atteindre un taux de chômage à plus de 9 %, c’est du jamais vu depuis les années 1930", relève Laurence Nardon, spécialiste des États-Unis à l’Institut français des relations internationales (IFRI). "Selon les instituts de sondages américains, un président confronté à un taux de chômage supérieure à 8 % n’a aucune chance d’être réélu."
Une cote de popularité en chute libre
Un constat qui prendrait même des airs de prophétie au regard des dernières prévisions. Selon un sondage publié par l'Université de Quinnipiac, le 2 septembre, 52 % des personnes interrogées désapprouvent l'action de Barack Obama. Selon un autre sondage CNN/ORC International, publié le même jour, la cote de popularité du président s’est littéralement effondrée avec 65 % des personnes qui critiquent sa politique.
Des chiffres record qui n’étonnent pas Laurence Nardon, et qui s’expliquent, selon elle, grâce à deux facteurs. Premièrement, la crise économique a érodé l’enthousiasme de la société américaine vis-à-vis de ses politiques, secundo, le fait de perdre son emploi est particulièrement mal vécu outre-Atlantique. "Contrairement aux Européens habitués à des taux de chômage assez élevés depuis les années 1970, cette forte hausse de 9,1 % est une nouveauté pour les Américains. Et vivre aux crochets de l’État est vécu comme une humiliation."
"Un américain sur six est à la recherche d’un emploi"
Une humiliation d’autant plus grande qu’elle s'accompagne d'un risque accru de précarité. Sans filet sociale de sécurité. "Quand vous perdez votre emploi aux États-Unis, vous perdez votre assurance santé, les indemnités sont moins importantes qu’en Europe, vous tombez rapidement, très rapidement, dans la précarité. Par voie de conséquence c’est toute la société qui se fragilise", ajoute de son côté Nicholas Dungan, analyste politique et spécialiste des États-Unis à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Jusqu’à présent - avant la crise de 2008 -, rappelle Laurence Nardon, les États-Uniens pouvaient se targuer d'un taux de chômage officiel avoisinant les 3 % ou 4 %. "Aujourd’hui, le gouvernement affiche un taux de 9,1 % mais en réalité, souligne le chercheur à l’IRIS, il est davantage axé autour des 16 % en y intégrant les chômeurs en fin de droits, les travailleurs à temps partiel... la situation est vraiment dramatique : un américain sur six est à la recherche d’un emploi stable."
Foi brisée en la nation
Loin devant le thème sécuritaire – jadis sujet majeur sous la présidence de Georges W. Bush -, cette hausse vertigineuse du chômage est devenue la principale préoccupation de la société américaine. "Le 11 septembre n’est plus au cœur des débats. Aujourd’hui, la crise économique est dans tous les esprits, le sujet mobilise les Américains", explique Nicholas Dungan.
Pour Barack Obama, qui avait fait de l’économie son cheval de bataille lors de sa campagne présidentielle, c’est un nouveau constat d’échec. À grands coups de slogans, ce dernier avait promis du changement en 2008. "Yes we can" scandait-il alors, "Vote for change !". Il n’en fut rien. L’économie qui flirtait déjà avec la récession est en crise. "Obama n’a pas su apporter le changement souhaité, il n’a pas su trouver une réponse à l’endettement. Ses plans de sauvetage [en 2008 et en 2009] ont échoué", souligne le spécialiste.
Et dans un pays où "la difficulté doit être combattue collectivement", les électeurs se sont désolidarisés d’un président, "incapable" de les sortir de ce bourbier. "Quand la situation est grave, les Américains se raccrochent à leur foi. Non pas religieuse mais nationale. La foi en la nation est primordiale. Or Obama ne sait pas parler de ‘l’exceptionnalisme américain’, il n’a rien fait pour redonner ‘foi’ en son peuple", ajoute Nicholas Dungan.
"Les Républicains veulent à tout prix priver Obama d’un second mandat"
De leur côté, les Républicains attendent le président démocrate au tournant et Barack Obama dispose, lui, de peu de marge de manœuvre. Majoritaires au Congrès, les Républicains peuvent s'opposer aux projets de loi proposés par les démocrates. Alors qu'importe le discours de jeudi, "la donne économique du pays ne changera pas si le Congrès ne donne pas son aval", rappelle l'expert.
"Les Républicains feront tout pour priver Obama d’un second mandat", conclut-il. "Ils ont trouvé le point faible à exploiter : l’emploi. Et ils l’exploiteront".