WikiLeaks accuse un journaliste du Guardian d’être à l’origine de la mise en ligne de 251 000 câbles dans lesquels l'identité de centaines de personnes est dévoilée. Une fuite potentiellement mortelle pour les informateurs des Américains.
WikiLeaks cumule décidément les ennemis. Le site, qui avait déjà déclenché la fureur des États-Unis et d’autres pays en publiant depuis un an des câbles diplomatiques classifiés américains, s’attaque cette fois-ci au journal The Guardian. Il reproche au quotidien britannique, dans un communiqué mis en ligne ce jeudi sur son site, d’avoir "par négligence grossière" mis en danger la sécurité de centaines de personnes à travers le monde. L'organisation a même déposé plainte contre le journal.
En cause : une version des 251 000 câbles diplomatiques contenant les noms de tous les contacts locaux des Américains dans des dizaines de pays qui circulent depuis plusieurs mois sur la Toile. Cette fuite pourrait s’avérer très dangereuse pour les informateurs dorénavant identifiés. WikiLeaks avait, depuis le lancement en novembre 2010 de l’opération "Cablegate", accepté, pour des raisons de sécurité, d’effacer dans les documents qu’il publiait tout indice permettant de reconnaître des personnes ayant collaboré avec les services diplomatiques américains.
Face à cette fuite, l’organisation de Julian Assange avait jusqu’à présent fait profil bas "pour ne pas attirer l’attention" sur ces documents non censurés, peut-on lire dans le communiqué. Finalement, un nombre croissant d’articles faisant référence à ces 251 000 câbles en liberté numérique a poussé WikiLeaks à contre-attaquer.
La faute incomberait au journaliste du Guardian David Leigh qui, dans un livre sur WikiLeaks ("Dans les coulisses de la guerre de Julian Assange contre le secret") paru en février, a donné la clef numérique permettant de décrypter le dossier original contenant les câbles diplomatiques. Auparavant, seule une poignée de personnes, dont des journalistes du Guardian collaborant avec le site pour vérifier le contenu des documents, détenaient ce précieux sésame.
Imbroglio autour d’une clef numérique
Le quotidien britannique a reconnu, dans une réponse mise en ligne jeudi, que le livre contient bel et bien la clef de décryptage mais trouve que WikiLeaks va un peu vite en besogne en mettant son journaliste en cause. Le Guardian assure que lorsque Julian Assange a remis à David Leigh la clef pour avoir accès en clair aux câbles diplomatiques, il lui a assuré qu’elle ne serait valide que quelques heures et que seules quelques personnes savaient comment trouver en ligne le fichier original.
Mais le quotidien allemand Der Spiegel a révélé, la semaine dernière, qu’une maladresse d’un ancien porte-parole de WikiLeaks, Daniel Domscheit-Berg, a permis à des internautes vigilants de retrouver la piste des câbles non-censurées sur la Toile et de les lire grâce à la clef de décryptage. WikiLeaks, de son côté, assure que David Leigh "ment" en évoquant une validité limitée dans le temps du mot de passe.
Un immense imbroglio qui n’aurait pas encore eu d’effet dévastateur sur le terrain. Contactée par le quotidien américain New York Times, l’administration américaine a répondu "que l’armée n’avait pas eu d’informations sur d’éventuelles mesures de rétorsion contre leurs informateurs" jusqu’à présent. WikiLeaks assure avoir contacté, après avoir appris l’existence de la fuite, les autorités et les organisations humanitaires afin qu’elles "prennent les mesures nécessaires pour mettre les personnes en sécurité".