Près de 50 cadavres ont été retrouvés dans un hangar au sud de Tripoli. Pour les habitants du quartier, ces combattants anti-Kadhafi auraient été massacrés il y a quelques jours par les forces loyales au dirigeant libyen en fuite.
Khaled est en état de choc. Il pleure, dans les bras d'un ami. Cela ne fait pour lui aucun doute : parmi les quelque 50 corps calcinés retrouvés samedi dans ce hangar du quartier de Salah Eddine, une banlieue située au sud de Tripoli, se trouve celui de son frère. "Il faisait partie des combattants anti-Kadhafi, explique Khaled. Il a disparu le 18 juin. Les troupes de Mouammar Kadhafi l'ont kidnappé."
Les anti-Kadhafi en ont pris le contrôle de la zone samedi, après un bombardement de l'Otan et sept heures de combats. Ils ont découvert ce hangar – un ancien entrepôt agricole - qui aurait été utilisé comme prison par les loyalistes. Il jouxte l'ancien quartier-général de Khamis Kadhafi, l'un des fils du dirigeant libyen en fuite, qui avaient en charge les troupes d'élites de la 32e Brigade.
"Ils les ont aspergés d'essence et ils les ont brûlés"
Selon les habitants du quartier, ce sont bien les corps d'opposants au clan Kadhafi, assassinés par des loyalistes, qui ont été retrouvés. Le massacre aurait eu lieu le 23 ou le 24 août. "Les pro-Kadhafi ont lancé des grenades, puis ils ont tué par balles ceux qui n'étaient pas morts. Après, il les ont brûlés", croit savoir un homme rencontré sur place par les envoyés spéciaux de FRANCE 24 à Tripoli. "Ils les ont aspergés d'essence et ils les ont brûlés", ajoute un autre homme.
Moayed Burani, un ancien prisonnier, a quant à lui échappé au massacre. Il a été transférés dans un autre hangar, la cellule de 20 m2 étant surpeuplée. Selon lui, ce sont près de 130 personnes qui étaient détenues dans ce hangar. "Les gens étaient entassés les uns sur les autres", a-t-il affirmé à l'AFP, ajoutant que les soldats de Mouammar Kadhafi avaient fermé la porte et lancé des grenades dans la pièce.
Dans la cour devant l'entrepôt se trouve toujours un camion, qui dégage une odeur insupportable. À l'intérieur, de minuscules cellules dans lesquelles s'entassaient des prisonniers. Une bouteille pleine d'urine et quelques restes de nourriture sont les derniers signes de vie laissés par les occupants. À l'extérieur, sur la paroi du camion, il est écrit : "Dieu, Mouammar, la Libye", le slogan emblématique des Kadhafistes.
Assassinats sommaires lors de la chute de Tripoli
L'organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW) a confirmé, ce dimanche, que plusieurs éléments laissaient penser que les forces loyales à Mouammar Kadhafi avaient commis des masssacres collectifs lors de la bataille de Tripoli. "Les preuves que nous avons été en mesure de rassembler pour le moment suggèrent que les forces du gouvernement Kadhafi ont mené une série d'assassinats sommaires au moment où Tripoli tombait", a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de l'antenne de HRW en Afrique du Nord.
L'organisation rapporte notamment le cas de 18 cadavres criblés de balles, dont deux avec les mains attachées, qui ont été retrouvés dans le lit d'une rivière près du complexe de Bab al-Aziziya, l'ancien quartier général du colonel Kadhafi. Vingt-neuf autres corps, montrant des signes d'exécution, ont été découverts dans une clinique de fortune située près de ce complexe.
Vendredi, Amnesty International avait déjà dénoncé l'exécution sommaire de "nombreux prisonniers" en début de semaine par des pro-Kadhafi, dans deux camps situés près de la capitale libyenne. L'organisation avait toutefois souligné que les deux camps, pro- et anti-Kadhafi, avaient commis des actes de torture et de mauvais traitements.