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"Notre mission est d'assurer la sécurité des habitants et d'empêcher les pillages"

, envoyé spécial en Libye – Depuis leur entrée dans la capitale libyenne, les opposants au régime de Mouammar Kadhafi tentent de prendre le contrôle de la totalité de Tripoli. Mais des snipers continuent de semer la terreur dans certains quartiers... Reportage.

Tripoli semble désertée par ses habitants, alors que la plupart des quartiers sont sous le contrôle des opposants au régime libyen, notamment Bab al-Aziziya, le QG fortifié de Kadhafi pris il y a deux jours.

Dans plusieurs zones, comme la route de l’aéroport et le quartier d’Abou Salim près de Bab al-Aziziya, la situation sécuritaire reste tendue. Des tirs intensifs y résonnent encore.

Selon les combattants, certains tireurs, qui monnayent leurs services auprès de Kadhafi et de ses fils, sèment toujours la terreur dans la ville et sont postés sur les toits des immeubles avec, dans leur ligne de mire, les habitants et les journalistes. Un caméraman français a même été superficiellement touché par une balle dans le quartier d’Abou Salim.

"Kadhafi a ruiné nos vies"

Les opposants ont pris le contrôle de la ville mardi matin. Des barrages sécuritaires ont été mis en place sur les grandes axes de la capitale et à l’entrée des quartiers. Dans les rues, des jeunes, âgés de 25 ans à peine, armés de mitrailleuses et d'autres armes de guerre, patrouillent pour empêcher les pillages et sécuriser les habitations.

Mohammed en est un. Avant, il était technicien dans un hôpital à Tripoli, mais il a choisi de rejoindre l’opposition pour défendre, dit-il, la Libye et son honneur et chasser Mouammar Kadhafi du pouvoir.

"Il y en a assez de ce minable. Pendant 42 ans, il a ruiné nos vies par ses slogans insensés, sa politique répressive et ses idées rebelles sans valeur. Nous avons passé toute notre vie dans des comités populaires et dans des files d’attente interminables afin d’obtenir les moyens les plus basiques pour subsister, en dépit des richesses pétrolières importantes du pays", raconte Mohammed en caressant sa mitrailleuse. Et d’ajouter : "Kadhafi est égoïste et ne sert pas son peuple".

Il a rejoint l’opposition suite à l’appel du Conseil militaire qui cherchait des volontaires afin de débusquer les milices de Kadhafi et renverser le régime. Il a accepté d’adhérer bénévolement à l’opposition, animé par sa conviction que l’heure du départ du "tyran", tel qu’il le décrit, avait sonné. "Ces jeunes sont sortis pour la première fois dans les rues, défiant l’armée de Kadhafi et ses partisans. La majorité n’avait jamais vu une arme et savait encore moins la manipuler".

Après une courte formation, Mohammed a eu une mitrailleuse et a été chargé de la sécurité de certains quartiers chics de Tripoli. "Notre mission est d'assurer la sécurité des habitants, d'empêcher les pillages et de riposter si les milices de Kadhafi tentent de revenir dans ces quartiers où elles n’ont plus le pouvoir".

"Montrer au monde ce qui se passe en Libye"

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Le CNT libyen s'installera à Tripoli jeudi
"Notre mission est d'assurer la sécurité des habitants et d'empêcher les pillages"

Naji Abdessaid est un opposant au régime de Kadhafi, mais à sa façon. Originaire de la ville de Nalout, il est journaliste à "Aderfane", un journal local. Depuis le début des manifestations, il s’est spécialisé dans les nouvelles technologies. Il diffusait sur les réseaux sociaux des vidéos des opposants au colonel.

"J’ai quitté la presse écrite pour un autre domaine tout aussi important de nos jours : l’appui technique et médiatique de la révolution. Je passais plusieurs jours avec les combattants à filmer leur vie, leurs déclarations et leurs appels. De retour chez moi, je diffusais ces contenus sur YouTube et d’autres sites."

Naji s’est beaucoup inspiré des révolutions tunisienne et égyptienne et de l’importance des moyens de communication modernes. "Il était indispensable de montrer au monde entier ce qui se passe en Libye et ce que faisait subir Mouammar le 'tyran' aux hommes, femmes et enfants. À défaut de prendre les armes pour combattre les milices, j’ai choisi de travailler dans l’ombre afin que le monde entende la voix de l’opposition"

Naji espère que la révolution puisse être un soulagement et apporte du réconfort aux Libyens qui ont longtemps souffert sous "Abou Meniar" (l'un des noms de Kadhafi dans l’état civil, NDLR), comme il préfère l’appeler. "Kadhafi a anéanti les talents et détruit les instruments de musique sous prétexte qu’ils sont l’œuvre de l’Occident. Il a tué des étudiants uniquement parce qu’ils avaient réclamé l’amélioration de leurs conditions de vie. Il n’y avait pas de droits dans notre pays. Même la couleur des boutiques devait être verte", raconte-t-il. "Même l’époque du roi Idriss Senoussi a été rayée de l’histoire de la Libye, comme s'il n’avait jamais existé", conclut-il.