À trois mois des scrutins présidentielle et législatives congolaises, le fichier électoral demeure au cœur de toutes les controverses. À l'instar de l'opposition, une ONG exige que le document soit soumis à l'examen d'experts indépendants.
À quelque trois mois de la tenue des élections présidentielle et législatives prévues simultanément le 28 novembre, les controverses se multiplient autour du chiffre d’un peu plus de 32 millions d’électeurs inscrits communiqué par la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Aux voix de l’opposition politique se joignent désormais celles de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) qui exigent, elles aussi, d’être associées à l’audit du fichier électoral en vue d'un éventuel "nettoyage".
Dans un rapport rendu public mardi, l’Association africaine des droits de l’Homme (Ashado), membre affilié à la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), pointe des irrégularités lors de l’enregistrement des électeurs - clôturé à la mi-juillet - et "demande à la Céni d’accepter la vérification de ses données par des experts indépendants".
"La crédibilité des élections en dépend"
"Nous avons constaté des cas de mineurs enrôlés et de personnes enregistrées plus d’une fois dans plusieurs circonscriptions, souligne Georges Kapiamba, vice-président de l’Ashado, contacté par FRANCE 24. Dans ces conditions, seul un audit indépendant du fichier électoral pourrait rassurer tout le monde et garantir des élections crédibles au mois de novembre."
Pour ne pas perturber le calendrier électoral, l’ONG préconise que cette vérification soit réalisée en 72 heures maximum. "Les experts indépendants n’auront pas à se déplacer dans les provinces car toutes les données sont déjà à Kinshasa, explique Georges Kapiamba. En trois jours, ils pourront finir leur audit et rassurer ainsi toutes les parties prenantes avant l’organisation des scrutins. C’est une question de volonté politique."
Pour l'heure, le fichier de la discorde se trouve sur la table de la commission paritaire de l’Assemblée nationale et du Sénat qui doivent l'avaliser. "Si les parlementaires l'approuvent tel qu’il leur a été soumis par la Céni, prévient Georges Kapiamba, nous craignons que l’issue de ces élections soit sujette à des graves contestations."
Craintes de bourrage d'urnes
Les formations politiques de l’opposition accusent d’ores-et-déjà la Céni d'œuvrer pour le pouvoir. "Nous ne voulons pas être comme des moutons de Panurge, a déclaré à radio Okapi, Vital Kamerhe, président de l'Union pour la nation congolaise (UNC). Le pasteur Mulunda [président de la Céni, ndlr] doit nous expliquer comment les données consolidées à la Commission parlent de 30 millions d’enrôlés alors que celles communiquées à l’Assemblée nationale s’élèvent à 32 millions. Cela signifie qu’il a une réserve de 2 millions de cartes d’enrôlés pour faire le bourrage des urnes."
Contactés par FRANCE 24, aucun des membres de la Céni n’a souhaité s’exprimer sur ces accusations. De fait, l'institution s’estime "dessaisie de la question" et attend la décision des parlementaires.
Parmi les candidats déclarés à la présidentielle figurent l'opposant historique Étienne Tshisekedi (Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS), l'ex-président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe (UNC) et l'ancien vice-président Jean-Pierre Bemba (Mouvement de libération du Congo, MLC), détenu à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye (Pays-Bas), où il doit être jugé pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis en Centrafrique.
S'il n'a toujours pas fait part de ses intentions, le président sortant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, devrait être candidat à sa propre succession.