Un projet d'arrêté du ministère de l’Intérieur prévoit de réduire de moitié la liste de 30 métiers actuellement ouverts aux non-Européens. Associations, syndicats et opposition dénoncent une action inutile et électoraliste.
Le sujet revient discrètement au cœur de l’été. Selon une information des Échos, confirmée mardi par le gouvernement, les ministères de l’Intérieur et du Travail ont mis en place un projet d'arrêté définissant une nouvelle liste de métiers ouverts aux étrangers, non membres de la communauté européenne. Objectif affiché : réduire de moitié l’immigration légale annuelle du travail qui s’élève actuellement à environ 20 000 personnes par an. Mise en place en janvier 2008, cette liste comprenait à l’origine 30 métiers accessibles, région par région, aux personnes venant d’un pays non Européen. D’après le projet d'arrêté, il n’y en a désormais plus que quinze. Quinze métiers dits "en tension", c’est-à-dire en manque de main d'œuvre française.
"La France n’a pas besoin de maçons étrangers"
Le gouvernement continue donc son offensive contre l'immigration légale. En mai, Claude Guéant avait déjà fait part de son désir de limiter le nombre d’étrangers accueillis légalement sur le territoire. "La France n’a pas besoin de maçons étrangers", avait-il déclaré alors sur Europe 1. Ni désormais de chefs de chantier, de conducteurs de travaux ou encore de chargés d’études techniques... Tous les postes du secteur du BTP, hormis celui de dessinateur industriel, ont été supprimés de la nouvelle liste. L’informatique n’est pas non plus épargnée, seuls les postes pointus d’experts ont été conservés. Exit également les géomètres, agents d’assurances, installateurs d’ascenseurs… des métiers qui, toutefois, étaient rarement pourvus par les travailleurs étrangers.
Restent donc des professions très spécifiques "correspondant à des besoins significatifs de main d'œuvre", précise le courrier de la Délégation générale de l'emploi (DGEFP), qui a été adressé aux syndicats. Problème, ces quinze métiers "ne conviennent pas du tout aux immigrés", explique Annette Huraux, membre de l’association Cimade, qui vient en aide aux migrants étrangers. Selon elle, cette nouvelle liste est une coquille vide. "Personne ne va postuler pour ces emplois extrêmement ciblés [exemple de métier : personne experte en pilotage d’unité élémentaire de production mécanique, ndlr]. Les étrangers viennent pour travailler dans le BTP, le nettoyage, le service à la personne, la restauration [des métiers exclus de la liste, ndlr] rarement pour être concepteur de produits électriques et électroniques !"
Une liste qui ne changera pas grand chose
Pourtant, en dépit des craintes d'Annette Huraux, la modification de la liste aura un impact limité sur la baisse des permis de travail et les flux migratoires, selon Raymond Chauveau, syndicaliste de la CGT, contacté par france24.com. "En 2009, 82% des autorisations de séjour délivrés au titre de travail concernaient des personnes… déjà en France. Le gouvernement parle de 20 000 personnes [des Marocains, Maliens et Tunisiens surtout, selon le rapport du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, ndlr], en réalité, seuls 3 700 venaient de l’étranger", explique-t-il.
Surtout, ajoute-t-il, comment ce nouvel inventaire pourrait-il fonctionner alors que d'autres listes de métiers ouvertes aux étrangers existent déjà ? " Une ribambelle d’autres listes de professions résultant d'accords bilatéraux entre la France et des pays non communautaires comme le Sénégal, le Bénin, la Tunisie sont déjà en vigueur…. Au final, cette liste n'a donc que peu de valeur", ajoute le syndicaliste.
Le gouvernement, lui, défend un projet cohérent : moins de métiers, moins de main œuvre étrangère, moins de chômage. Quitte à faire un amalgame dangereux. "Ce n’est pas en s’attaquant à l'immigration par le travail, qui ne touche que 10 000 à 20 000 personnes que la tendance économique va s’inverser", estime Raymond Chauveau. "Le nombre de titres de séjour salariés va peut-être baisser mais la main d’œuvre continuera à venir travailler en France. Simplement, elle le fera, maintenant, de manière illégale", ajoute de son côté la militante de la Cimade.
Visée politique
À quelques mois de l’échéance présidentielle, cette politique migratoire n’a, selon eux, qu’une seule ambition : séduire l’électorat frontiste. "Le clan UMP n’hésite pas à marcher sur les plates-bandes du Front national", ajoute Raymond Chauveau. Un avis partagé par Alain Vidalies, député socialiste, "le gouvernement tente à l'évidence une opération politicienne en direction de la frange extrême des électeurs de droite en ciblant la goutte d'eau de l'immigration légale pour faire oublier l’océan du chômage de masse."
La nouvelle liste fera l'objet d'une révision au plus tard le 1er août 2013, a déclaré le ministère de l’Intérieur. Les syndicats ont jusqu'au 8 août pour faire connaître leurs observations dans le cadre de la consultation des partenaires sociaux. Passée cette date, la nouvelle liste sera publiée au Journal officiel.