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Voyage dans les rêves brumeux et dansants de "Cesena"

Engagée dans une réflexion sur la lumière, la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker convie les festivaliers à un spectacle mêlant l'architecture du Palais des Papes, le mouvement des corps, et la musique polyphonique. Diaporama.

AFP - Engagée dans une réflexion sur la lumière, la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker convie dès samedi les festivaliers d'Avignon à un "événement": la présentation de sa dernière création à l'aube naissante dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes.

Près de 2.000 spectateurs doivent converger à 4H30 du matin vers la Cour d'Honneur, à la couleur ocrée, pour ce spectacle, "Cesena", qui sera donné quatre fois par la compagnie Rosas et l'ensemble vocal anversois Graindelavoix de Björn Schmelzer.

Le spectacle jouera avec des "artifices scénographiques" qui permettent "une réflexion sur la lumière du jour, sa redistribution, l'aveuglement", explique la chorégraphe dans le livret de présentation de son spectacle.

L'an dernier, la chorégraphe avait proposé l'expérience inverse avec "En Attendant" dans le Cloître des Célestins, qui "jouait du paradoxe poétique d'un dévoilement apporté par la nuit, d'une apparition au sein de l'obscur".

Le spectacle mêle l'architecture du Palais des Papes, qui date du XIVème siècle, le mouvement des corps, principalement la marche, et la musique polyphonique apparu dans le sud de la France également au XIVème siècle, l'ars subtilior. Cette musique, très raffinée, sera uniquement vocale.

"J'espère que le silence de l'aube aidera à partager l'expérience que nous tentons", précise Anne Teresa De Keersmaeker.

"A 4H00 du matin, les voix ne sont pas chauffées, elles sont fragiles. On ne peut pas tricher", ajoute pour sa part Björn Schmelzer.

Des expériences similaires ont parsemé la vie du Festival d'Avignon grâce, par exemple, au metteur en scène libano-québecois Wajdi Mouawad, qui avait présenté en 2009 trois spectacles d'affilée: "Littoral", "Incendie" et Forêt", pendant 11 heures, de 20H00 au petit matin.

En 1984, Ariane Mnouchkine avait proposé une nuit entière dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes avec trois spectacles de Shakespeare: "Richard II, "La nuit des rois", et "Henri IV", révélant les différentes couleurs revêtues par ces lieux depuis l'obscurité jusqu'à l'aube.

Autre spectacle phare de l'histoire de la Cour d'Honneur et d'Avignon, "Le Soulier de satin" de Claudel, mis en scène dans son intégralité par Antoine Vitez et joué durant toute la nuit dans cette cour, quatre fois de suite. "C'est mémorable", se souvient un fidèle du Festival, Jean Cholet, spécialisé dans la scénographie. "Les gens campaient presque avec des couvertures dans la Cour d'Honneur. Ils dormaient puis se réveillaient et à l'aube ils applaudissaient tous".

Pour Vincent Baudriller, co-directeur du Festival d'Avignon, "si les spectateurs viennent à Avignon, c'est pour vivre des expériences incroyables", "des expériences sensibles fortes", que permettent les lieux et la disponibilité des festivaliers.