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Des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs villes de Syrie vendredi à l'occasion d'une nouvelle journée de mobilisation. Une trentaine de manifestants a été tuée par les forces de sécurité.

REUTERS - La Syrie a été le théâtre vendredi des plus importantes manifestations depuis le début, en mars, du soulèvement contre le régime de Bachar al Assad, dont les forces de sécurité ont abattu au moins 32 contestataires lors de cette seule journée, ont rapporté des témoins et des opposants.

Malgré une répression ayant coûté la vie à 1.400 civils depuis mars, selon le bilan des opposants, des centaines de milliers de Syriens sont descendus dans les rues après les prières hebdomadaires et la contestation semble désormais avoir atteint Damas, pourtant plus aisée et mieux quadrillée par l'appareil de sécurité.

"Il s'agit des plus grandes manifestations à ce jour. C'est un défi lancé ouvertement aux autorités, notamment quand on voit la forte affluence enregistrée pour la première fois à Damas", a déclaré Rami Abdelrahman, directeur de l'ONG Observatoire syrien des droits de l'homme.

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Malgré les morts, plus d'un million de manifestants protestent contre le régime

La police n'a pas hésité à tirer à balles réelles sur la foule à Damas, où 23 personnes ont été tuées, ainsi qu'à Deraa, berceau de la contestation dans le sud de la Syrie, où l'on
déplore quatre morts, ont rapporté des témoins et des militants de l'opposition. Trois autres personnes ont été tuées par balles dans la province d'Idlib, dans le nord-ouest du pays, et deux autres à Homs.

Le bilan à Damas est le plus lourd enregistré depuis le début des manifestations dans le pays.

Un témoin dans le quartier damascène de Roukn al Dine a rapporté que des centaines de jeunes hommes masqués et armés de bâtons et de pierres avaient affronté les forces de sécurité en scandant "A bas, à bas Bachar al Assad".

Foule immense à Hama

Un autre témoin interrogé par téléphone et se trouvant dans le centre de la capitale syrienne a déclaré: "Nous nous trouvons à Midane et ils nous tirent dessus avec des grenades lacrymogènes, les gens scandent des slogans."

A Hama, grande ville où en 1982 le régime baassiste a durement réprimé un soulèvement, une foule immense s'est rassemblée sur la place centrale, place de l'Oronte, en scandant: "Le peuple veut le renversement du régime!",
pouvait-on voir sur des vidéos. La présence de blindés aux entrées de la métropole n'a pas dissuadé les contestataires de descendre dans les rues.

Au moins 350.000 personnes ont manifesté en outre dans la province orientale de Daïr az Zour, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Bien qu'étant le coeur de la modeste industrie pétrolière syrienne, la province de Daïr az Zour est l'une des régions les plus pauvres de ce pays de 20 millions d'habitants. Cette zone désertique souffre de pénuries d'eau depuis six ans, phénomène dû essentiellement, selon des experts, à une mauvaise gestion et à la corruption ambiante.

Parallèlement à cette répression, Bachar al Assad a promis d'engager des réformes et lancé un "dialogue national", qui a été boycotté par ses principaux opposants.

"Les autorités sont en train de réagir au refus de l'opposition de participer au dialogue que le régime souhaitait mettre en place pour couvrir ses meurtres", a déclaré Louay
Hussain, personnalité de l'opposition restée à Damas et interrogée au téléphone par Reuters.
 
Un conseil national d'opposants

Encouragés par l'ampleur des manifestations, les opposants restés en Syrie et ceux vivant en exil avaient pour projet de se structurer dès samedi en créant un Conseil national de 75 membres.

Les premiers comptent tenir une conférence à Istanbul tandis que les seconds avaient prévu de se réunir à Damas.

La réunion de "Salut national" à Damas a finalement été annulée car les forces de sécurité ont tué vendredi 14 manifestants devant le bâtiment qui devait l'abriter dans le quartier de Kaboun, a dit à Reuters l'opposant Walid al Bounni.

Radouane Ziadeh, un opposant en exil, avait auparavant déclaré à Reuters que la double conférence déboucherait sur l'élection d'un Conseil national de 75 membres, dont 50 issus de l'opposition restée en Syrie et 25 de celle en exil.

La communauté internationale, dont la Turquie voisine, a mis en garde Bachar al Assad contre toute répétition des massacres commis à l'époque de son père, Hafez el Assad, qui avait réprimé dans le sang un soulèvement fondamentaliste à Hama, y faisant alors dans les 30.000 morts.

Les ambassadeurs des Etats-Unis et de France se sont rendus à Hama vendredi dernier. Trois jours plus tard, leurs missions diplomatiques étaient attaquées par des partisans du régime. Personne n'a été tué dans ces attaques, qui ont été condamnées par le Conseil de sécurité des Nations unies.

"Nous disons que la Syrie ne peut pas revenir en arrière, qu'Assad a perdu sa légitimité aux yeux de son propre peuple", a déclaré la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton lors d'une conférence de presse à Istanbul.