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"Un ministre européen des Finances, oui, mais avec quel budget ?"

Plusieurs voix réclament la création d’un ministre européen des Finances afin de renforcer la cohésion économique européenne. Pour l'économiste Christophe Blot, ce nouveau maroquin devra avant tout bénéficier d’un budget propre.

Le patron de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, et le Cercle des économistes, qui rassemble une trentaine d’experts français, ont demandé, ce week-end, que l’Union européenne (UE) se dote d’un ministre des Finances afin d’envoyer un signal positif aux marchés financiers, qui s'inquiètent de la tempête financière que traverse la zone euro.

Cette personnalisation de la politique économique européenne pourrait-elle constituer un élément de réponse à la crise ? Christophe Blot, économiste spécialiste de la zone euro à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), explique à FRANCE 24 les avantages d’une telle décision mais craint qu’un ministre européen des Finances soit dépourvu de réel pouvoir.

FRANCE 24 - Quel est l’intérêt pour l'UE de se doter d’un ministre des Finances ?

Christophe Blot - Dans le contexte actuel, il s’agirait essentiellement de bénéficier d’un porte-voix qui pourrait clairement exprimer la position européenne. Mais il faut aussi considérer le tableau d'un point de vue général : l’UE essaie progressivement de mettre en place un certain nombre d’organes censés incarner les institutions. C’est ce qu'elle a déjà fait en créant un poste de ministre européen des Affaires étrangères [occupé par la Britannique Catherine Ashton, ndlr]. Ce sont autant de petits pas vers une plus grande intégration européenne.

F24 - De quel pouvoir bénéficierait ce grand argentier européen ?

C. - B. - C’est tout le problème. En France et en Europe, les ministres des Finances ont des vrais budgets à gérer et, partant, leurs choix ont un réel impact. Le budget européen est ridicule et ne peut pas dépasser 1,23 % du revenu brut de l’UE. En l’état actuel des choses, la marge de manœuvre d’un tel ministre serait donc très faible.

On pourrait envisager de lui confier la tête du Fonds européen de stabilité [l’organe mis en place au début de la crise pour alimenter les plans de soutien aux pays endettés, ndlr] auquel cas, il aurait un réel pouvoir. Reste que toutes les décisions concernant ce fonds doivent actuellement être prises à l’unanimité par les États membres.

F24 - La création d’un tel poste nécessiterait donc de revoir le fonctionnement de l’UE ?

C.B. - Si on veut qu’un ministre européen des Finances soit un vrai gendarme européen, il faut lui en donner les moyens. Actuellement, tous les cordons de la bourse sont tenus individuellement par les États et les décisions importantes sont prises collectivement par les dirigeants des pays membres. La création d’un tel poste nécessite également l’ouverture d’un débat sur l’importance du budget géré en propre par l’UE.

Sinon, le risque serait d’avoir une multiplication des postes sans réel pouvoir. Ce qui ne ferait que rajouter une voix supplémentaire à la cacophonie.