Qualifiée pour les demi-finales de la Coupe du monde en Allemagne, l’équipe de France féminine de football n’a jamais été aussi médiatisée. Une popularité qui, pour certains spécialistes, risque de ne pas survivre à la compétition...
Méconnues, voire inconnues, du grand public avant qu’elles ne se lancent dans l’aventure de la Coupe du monde 2011, les joueuses de l’équipe de France de football n’ont jamais été autant suivies par les Français. Selon Médiamétrie, leur qualification en demi-finales, samedi, contre l’Angleterre a été vue par 3,22 millions de téléspectateurs. Un record.
TF1, la première chaîne française et propriétaire des droits télévisuels du Mondial féminin via sa filiale d’Eurosport, envisage même de diffuser le 17 juillet la finale en cas de qualification des Bleues. Devant l’ampleur du phénomène qu’elles suscitent, la Fédération française de football (FFF) en a profité pour lancer une consultation portant sur les droits d'exploitation audiovisuelle de la division 1 féminine pour les saisons 2011-14.
"Compliqué pour Ribéry, facile pour les filles"
Plusieurs explications sont avancées pour expliquer cet engouement. Du point de vue sportif d’abord. Le football dame n’est peut-être pas aussi spectaculaire et physique que la version masculine, il en demeure pas moins technique. Thierry Roland, le présentateur historique du football version homme, se dit bluffé par le niveau des Bleues. "Si on compare avec les hommes, c'est moins attrayant, mais elles sont vraiment très bonnes, commente-t-il sur Lepost.fr. Contrairement aux Bleus, elles tirent bien les corners, ce qui est quand même le b.a-ba du football. Ce qui est trop compliqué pour Franck Ribéry semble facile pour les filles." Et voilà pour le tacle...
Autre différence notable : sur la pelouse, les footballeuses font preuve de plus de fair-play et simulent moins que leurs homologues masculins. Un fait que la chaîne américaine entièrement dédiée aux sports ESPN s’est amusée à mettre en scène avec l’aide de la joueuse américaine Abby Wambach, qui cumule 158 sélections et 120 buts en équipe nationale (voir vidéo ci-dessous).
Des primes 20 fois moins élevées que les mutins de Knysna
Leur popularité tient également au fossé existant entre elles et le monde du football-business qui, en période de crise, est jugé immoral autant par les politiques que par une partie de l’opinion publique. Loin des salaires mensuels à cinq chiffres engrangés par les joueurs professionnels de l’élite – le salaire moyen en Ligue 1 est de 45 000 euros – les footballeuses de la première division féminine touche entre 1 500 et 3 500 euros quand elles n’ont pas une activité parallèle. Mais cette différence de traitement ne les trouble pas outre mesure. "Cela ne me choque pas qu’on ait beaucoup moins qu’eux car on n’a pas leurs sponsors et on ne brasse pas autant d’argent", déclarait dans "Le Parisien" Gaëtane Thiney, l’attaquante internationale de FCF Juvisy, qui fait partie des joueuses non professionnelle de l’équipe de France.
À un an presque jour pour jour de la grève des joueurs de l’équipe de France en Afrique du Sud, la comparaison est inéluctable. Leur simplicité et la proximité qu’elles entretiennent avec le public constitue un bol d’air frais comparé à l’univers encadré et policé de la sélection masculine. Le rapprochement sur l’affaire des primes est également tentant. En cas de qualification en finale, les Bleues toucheraient 15 000 euros chacune. Les garçons en auraient touché 20 fois plus lors du Mondial-2010...
"On revient aux fondamentaux du sport en tant que jeu et aux valeurs d'autrefois, que l'on retrouve en Coupe de France et qui existent encore - un peu - dans le rugby", explique Cédric Gründler, responsable du blog lemarketingsportif.com, qui est plutôt pessimiste sur la pérennisation du football féminin en France après le Mondial. "La Coupe du monde se déroule dans une période où il n'y a plus de foot sur les écrans et les aficionados consomment ce qu'ils trouvent. Même si la FFF vient de lancer un appel d'offres pour les droits TV, il n'y a presque aucune chance pour que les audiences rencontrées tout au long de l'année soient aussi importantes que celles de ces derniers jours", prédit-il. Une preuve de leur succès serait la réaction des Français si elles venaient à gagner la Coupe du monde. Réussiront-elles à réunir 1,5 million de supporters sur les Champs-Élysées comme c'était le cas en 1998 ? C’est tout le mal qu’on leur souhaite.