logo

La France appelle le régime de Kadhafi et les rebelles à dialoguer

Confronté à l'enlisement militaire, Paris change de stratégie et presse les deux parties du conflit libyen à négocier pour trouver une issue politique à une crise qui dure depuis plus de cinq mois .

Le Parlement français va se pencher mardi sur la crise libyenne, dont l’issue reste incertaine quatre mois après le début des frappes aériennes des alliés. Il doit en effet se prononcer, au terme d’un débat, sur la poursuite de la participation de l’armée française à l'opération militaire de l'Otan contre le régime du colonel Kadhafi.

Et ce, conformément à l'article 35 de la Constitution qui stipule que "lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement". L’issue du vote ne réservera aucune surprise. Outre l'UMP, le parti majoritaire, le Parti socialiste a également annoncé qu’il votera en faveur de la prolongation de l'opération en Libye.

Selon Valérie Pécresse, porte-parole du gouvernement, le Premier ministre, François Fillon, a affirmé lors du dernier Conseil des ministres que ce débat aurait pour but d'envoyer "un signal à Kadhafi sur la détermination" de Paris.

Changement de stratégie

C’est dans ce contexte que la France, à l’origine de cette intervention militaire, semble pourtant changer de cap en optant pour une solution politique négociée. En effet, Paris plaide désormais en faveur d'un dialogue entre les insurgés libyens et le régime du colonel Kadhafi, qui serait le préalable à la fin des opérations de l’Otan.

"On s'arrête de bombarder dès que les Libyens parlent entre eux et que les militaires de tous bords rentrent dans leur caserne (…) Nous avons arrêté la main qui avait frappé (…) Il va falloir se mettre maintenant autour d'une table", a déclaré, dimanche, Gérard Longuet, sur BFM TV. Le ministre de la Défense n’écarte plus un maintien du colonel Khadafi, qui pourrait rester à Tripoli mais "dans une autre pièce de son palais et avec un autre titre". Cependant, le but est que le colonel Mouammar Kadhafi "quitte le pouvoir".

De son côté, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, a précisé dimanche sur France Info que le début de ces négociations ne pouvait se faire qu'avec "un cessez-le-feu qui en soit véritablement un, sous contrôle des Nations unies".

D’ailleurs, des négociations sont en cours entre Tripoli et Paris. C’est du moins ce qu’affirme le fils le plus connu de Mouammar Kadhafi, Saif al-Islam, dans un entretien accordé au journal algérien El Khabar, daté de ce lundi. "La vérité est que nous négocions avec la France et non avec les rebelles", précise-t-il.

Selon lui, le président français a été "très clair" et lui a déclaré, "nous avons créé le Conseil (des rebelles) et sans notre soutien, notre argent et nos armes, le Conseil n'aurait jamais existé'. (…) Lorsque nous serons parvenus à un accord avec vous, nous obligerons le Conseil à cesser le feu'". Le gouvernement français fait passer des "messages" au régime libyen, mais "il n'y a pas de négociations directes", a réagi lundi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.

"Il faut prendre, a priori, cette déclaration avec précaution, mais si on comprend bien ce que disent les ministres français de la Défense et des Affaires étrangères, elles résonnent comme un pénible aveu d’échec", explique Sylvain Attal, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24.

Isolement international

L'évolution de la position française a provoqué l’irritation de Washington. Le département d'État américain n'a pas tardé à réagir, affirmant dans un communiqué qu'il n'était pas question d'envisager un compromis avec Tripoli. "Ce sont les Libyens qui décideront eux-mêmes la manière dont la transition doit s'accomplir, mais nous restons fermes dans notre conviction que Kadhafi ne peut pas rester au pouvoir", assure le département d'État.

"Isolée, la France est entrain de tirer les conséquences que ses objectifs fixés au début de l’opération ne sont pas réalisables et se présente dans une négociation dans laquelle elle n’est pas franchement dans une situation de force", analyse Sylvain Attal.

L'opération en Libye a coûté 160 millions d'euros à la France, a déclaré la ministre du Budget, Valérie Pécresse, dans un entretien au Journal du dimanche (JDD). Le pays "peut absorber" cet effort, a-t-elle ajouté. Sur le terrain, après quatre mois de frappes aériennes, la décision d'envoyer des hélicoptères de combat et le largage, en juin, d'armes aux rebelles libyens, l’équilibre des forces reste au statu quo. La France a d’ailleurs mis un terme à ses parachutages d'armes, qui ont suscité des divisions dans la coalition alliée, avait annoncé mardi dernier le ministre de la Défense, Gérard Longuet.

"Les forces du colonel Kadhafi sont affaiblies. L'attrition (leur épuisement) est lente, trop lente sans doute, mais elle est régulière. Les gains du Conseil national de transition (CNT) sont réels (...) C'est pour cette raison que la coalition doit poursuivre son effort", a fait valoir le chef d'état-major des armées françaises, l'amiral Edouard Guillaud, le 29 juin devant les députés.

Une vision critiquée par le général Vincent Desportes, ex-directeur de l'École de guerre, qui estime, dans le JDD, qu'il est "temps de trouver un compromis avec les autorités libyennes". Déjà sanctionné pour avoir critiqué la conduite de la guerre en Afghanistan, ce dernier considère que la France ne peut "plus attendre indéfiniment que le régime de Kadhafi tombe".