Le Sud-Soudan célèbre ce samedi son indépendance, après des années de conflit avec le Nord. Une indépendance très attendue par les Sud-Soudanais qui y voient la promesse de jours meilleurs. Mais de nombreux défis attendent le nouveau pays.
Huit millions de Sud-Soudanais ont attendu dans l'euphorie le 9 juillet, jour de la proclamation d’indépendance du Sud-Soudan. Cérémonies et parades militaires sont prévues à Juba, la capitale du tout nouveau pays, en présence de nombreux chefs d’État. Pourtant, les défis à relever sont nombreux et les festivités pourraient bien tourner court pour ce nouvel État.
Le mois de juin a d'ailleurs fait office de douloureuse piqûre de rappel pour la population. Six mois après le référendum qui a confirmé la partition du pays, d’importants affrontements ont eu lieu à proximité de la frontière. La région d’Abyei est également occupée par les forces nordistes fidèles à Khartoum, montrant au passage que l’indépendance n’est pas une garantie de paix durable.
D'autant plus que le conflit ne date pas d'hier. La guerre civile au Soudan a opposé les forces de Khartoum, au Nord, aux rebelles du Sud pendant deux décennies, provoquant la mort d'environ deux millions de personnes. Des accords de paix ont été signés par les deux parties en janvier 2005.
Désormais, permettre aux citoyens du Sud de vivre dans de meilleures conditions est un enjeu aussi crucial pour le gouvernement du Sud-Soudan.
Construire des infrastructures
"La création d’infrastructures pour la santé et l’éducation, ainsi que l’acheminement de denrées alimentaires font partie de nos priorités. Nous voulons que la population puisse vivre à l’abri de la peur", déclare Emmanuel LoWilla, haut conseiller auprès du président du gouvernement semi-autonome du Sud-Soudan (GoSS) Salva Kiir. Pourtant, ce dernier ne cache pas son inquiétude de voir les "attentes" de la population déçues par la "réalité sur le terrain".
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Selon John Ashworth, un spécialiste du Soudan qui a travaillé pendant 28 ans auprès des chefs de l’Église sudiste, les gens attendent cette indépendance depuis si longtemps qu’ils considèrent qu'elle signifie la fin de tous leurs problèmes. "Les Sud-Soudanais ne réalisent pas qu’il s’agit d’un processus", estime-t-il. Il rappelle également que le pays va devoir faire des efforts en matière de transparence dans le fonctionnement des institutions. Les anciens combattants rebelles de la région, dont le Président Kiir, occupent aujourd’hui les postes les plus influents...
Pétrole et développement
Début juillet, le gouvernement a diffusé des messages à la radio incitant les populations rurales à se joindre aux festivités organisées dans les villes. Mais la joie est déjà là. Sabri James, contacté par France 24, dirige un studio de musique à Juba. Il a pu constater que les habitants avaient laissé exploser leur joie en dansant et en buvant.
Depuis les accords de paix de 2005, le gouvernement du Sud-Soudan jouit d’une semi-autonomie et perçoit à ce titre un pourcentage des recettes provenant des rentes pétrolières. Objectif : permettre la reconstruction des infrastructures de la région qui ont été dévastées pendant la guerre. Pour les Sud-Soudanais, le progrès s’est matérialisé par l’arrivée d’opérateurs de téléphonie mobile ou de petites boutiques. Mais leur soif de développement est de plus en plus grande.
Cependant, malgré l’euphorie ambiante, la population s’insurge régulièrement contre les prix élevés et incontrôlés des denrées alimentaires comme le riz, la viande, les haricots ou encore la fleur de maïs. Selon Sabri James, le pétrole, essentiel pour les groupes électrogènes qui alimentent Juba en énergie, est stocké - provoquant de facto une inflation des produits de première nécessité.
Encadrer les prix pour limiter l'inflation
Sabri James souhaiterait que le gouvernement prenne des mesures pour encadrer la hausse des prix. Il existe à ses yeux deux solutions pour les stabiliser : fixer le coût de certaines marchandises, et limiter le rachat par des propriétaires étrangers des magasins de vente au détail. "Si le gouvernement n’est pas capable de réguler les prix, la vie va devenir très difficile pour les citoyens", conclut Sabri James.
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Le boom immobilier à Juba
L’une des ressources principales de la région est le pétrole. La grande majorité des réserves pétrolières est en effet concentrée dans le sud du Soudan, et le gouvernement compte sur cette ressource pour financer des projets de développement et diversifier son économie.
Selon des fonctionnaires du Sud-Soudan, Khartoum ne verse pas 50% des revenus des rentes pétrolières au Sud, comme le prévoyait l’accord de paix de 2005. Ils ont néanmoins bon espoir que les choses changent après l’indépendance. Comme l’explique Emmanuel LoWilla, il avait été entendu que le Sud stopperait le pompage de son pétrole vers le Nord si Khartoum ne respectait pas cet accord sur le partage des recettes.
Se montrer à la hauteur
Le gouvernement semi-autonome du Sud-Soudan a déjà mis en place un plan de développement afin de définir des objectifs à atteindre d’ici à 2015. Il s’est assuré l’aide des Nations Unies ainsi que d’autres organisations internationales pour y parvenir. L’éducation est l’une des premières priorités du pays, mais représente un défi important.
Selon une estimation de l’Institut international de planification de l'éducation (IIPE), un organisme créé par l’Unesco, plus de 300 000 personnes qui avaient été déplacées pendant la guerre au Nord sont retournées dans le Sud entre octobre 2010 et juin 2011. Cette vague importante d'immigration a eu pour conséquence de surcharger les établissements scolaires existants. La région fait donc face à une demande croissante en matière d’éducation qui se heurte aux moyens limités dont dispose le nouveau ministère de l’Éducation. Selon l’IIPE, 13% seulement des professeurs sont qualifiés, et 40% du personnel enseignant n’a pas été scolarisé au-delà de l’école primaire.
Malgré les obstacles pour parvenir à une scolarisation satisfaisante de la population, le gouvernement du Sud-Soudan prévoit également d’ouvrir huit universités, une par province, dans les quatre prochaines années. "Nous sommes opposés à une telle décision", déclare le directeur de l’IIPE, Khalil Mahshi, qui s'explique : "Je crains que la qualité de l’enseignement ne soit sacrifiée."