Les Shebab n'avaient guère le choix, vu l'urgence de la situation. Ils ont donc demandé aux ONG de revenir dans les régions qu'ils contrôlent pour apporter leur aide aux populations sévèrement affectées par la sécheresse.
Deux ans après avoir interdit aux ONG - accusées de véhiculer des valeurs “anti-islamistes” - d'accéder aux zones sous leur contrôle, les insurgés somaliens du groupe des Shebab ont décidé de revenir ce mercredi sur leur décision. Ils appellent de nouveau les associations et agences humanitaires à apporter leur aide aux milliers des Somaliens affectés par la sécheresse.
Sheik Ali Mohamud Rage, le porte-parole du mouvement, a déclaré lors d’un point de presse que les Shebab avaient créé “une nouvelle commission pour s'occuper de la sécheresse et répondre aux problèmes de ceux qui en souffrent”, précisant que toutes les ONG humanitaires étaient les bienvenues, “qu’elles soient ou non musulmanes”. Mais il a bien pris le soin d'ajouter que seules les ONG "ayant pour objectif d'aider ceux qui sont dans le besoin" pourraient intervenir.
“Parce que les gens ont faim”
Pour Philippe Hugon, les Shebab ne pouvaient pas continuer à être aussi “impopulaires” aux yeux de leurs administrés en détresse. Le directeur de recherche à l’IRIS, en charge de l’Afrique, a expliqué à France 24 que “les insurgés somaliens ont compris qu’en temps de crise grave, il faut répondre aux attentes de la population.”
La situation est en effet urgente. Outre la guerre civile qui se poursuit depuis 1991, les Somaliens sont actuellement confrontés à la pire sécheresse que cette région ait connu depuis les années 1990. Plus de 135 000 personnes ont dû fuire le pays depuis le mois de janvier 2011, selon le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés qui craint désormais “une tragédie humaine inimaginable”.
itL’organisation internationale pour les migrations (OIM) attend désormais que ces décisions des insurgés somaliens soient suivies d’”actions concrètes allant dans le sens d’une véritable ouverture et d’un plein accès aux populations vulnérables vivants dans les zones affectées”.
“L'accès des personnels humanitaires aux populations vivant dans les zones contrôlées par les insurgés est crucial, a fortiori en période de sécheresse et disette. Les besoins actuels en matière d'aide alimentaire, d'abris, de soins de santé et autres sont considérables. Ils ne pourront être pris en charge qu'à partir du moment où un accès libre et sécurisé aux zones affectées est garanti”, a déclaré à France 24 le porte-parole de l’OIM Jean-Philippe Chauzy.
Un appel au secours
Joint au téléphone sur place par France 24, le porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), espère voir les autres organisations humanitaires revenir dans les zones contrôlées par les Shebab. Yves Vanloo souligne ainsi que les Somaliens "ont faim” et considère que cette décision des insurgés sonne comme “un appel au secours”.
Le CICR est un cas à part : cette ONG a pu continuer à travailler dans les zones occupées par les Shebab et ne se sent pas directement “concerné” par cet appel. L’institution de Genève avait réussi à mettre en place un “mode opératoire lui permettant de poursuivre sa mission en toute indépendance”, tout en respectant la “rhétorique” des insurgés.
Pour l’heure, les Shebab convient donc les ONG à prendre contact avec la “nouvelle commission” qu’ils ont mise en place avant de pouvoir accéder aux zones frappées par la sécheresse. Un mécanisme qui, malgré l'ouverture de circonstance, permet à l’organisation islamiste de garder un oeil sur le travail des associations humanitaires et des agences internationales sur terrain.