Le tabloïd britannique est accusé d’avoir mis sur écoute des téléphones portables de victimes dans des affaires judiciaires. Mercredi, le Premier ministre David Cameron a demandé l'ouverture d'une enquête.
Au lendemain de la révélation de l'éventuel piratage de messageries téléphoniques par le tabloïd News of the World (NOTW), le Premier ministre britannique David Cameron a préconisé, ce mercredi, devant la Chambre des communes, l'ouverture d'une enquête pour faire toute la lumière sur l'affaire. Une intervention qui pose la question de savoir jusqu’où un journal à scandale peut aller pour obtenir une information exclusive. News of the World, le premier hebdomadaire dominical britannique détenu par le magnat de la presse Rupert Murdoch - qui tire à 2,8 millions d’exemplaires - est accusé d'avoir mis sur écoute les téléphones portables de nombreuses victimes dans plusieurs affaires judiciaires. Des entraves qui ont, de fait, gravement nui aux enquêtes policières.
Ce n'est pas la première fois que le journal est soupçonné de piratage téléphonique.
Visé par une enquête lancée en 2005, le tabloïd avait déjà été accusé d’avoir mis sur écoute de nombreuses célébrités et membres de la famille royale. Pire, selon la BBC, le tabloïd serait même allé jusqu'à soudoyer des policiers afin d’obtenir l’exclusivité de faits divers.
Retour sur les deux dernières histoires - révélées par les quotidiens britanniques mardi et mercredi - et qui jettent l’opprobre sur un média à la réputation déjà peu flatteuse.
- L’affaire Milly Dowler
Selon The Guardian, NOTW aurait embauché en 2002 plusieurs détectives privés – dont le sulfureux Glenn Mulcaire - pour récolter des informations sur la disparition de Milly, une jeune fille de 13 ans, dans le Surrey, en mars de la même année. Grâce à leur aide, la rédaction obtient rapidement l'adresse, les téléphones de l'écolière et de sa famille, et accède à la messagerie de Milly. "Alors que ses amis et ses parents laissent des messages et l’implorent de les contacter, The News of the World écoute et enregistre toutes ces conversations privées", écrit The Guardian.
Mais au bout de quelques jours, le répondeur est plein et n'accepte plus de nouveaux messages. NOTW efface alors les communications les plus anciennes, désorientant la police et détruisant des preuves qui auraient pu s'avérer cruciales. Autre dommage collatéral de cette initiative : l'activité de la messagerie donne de faux espoirs à la famille de la collégienne, persuadée que Milly est vivante. Tout cela par "soif de nouvelles informations", accuse le quotidien britannique. "Dans les enlèvements suivis de meurtres, les coupables laissent généralement des messages à leurs victimes, leur demandant de les contacter pour dissimuler leur crime. Ces messages sont des indices. Quiconque les détruit interfère gravement avec l’enquête".
Selon les médias britanniques, ces révélations pourraient amener Scotland Yard à rouvrir plusieurs dossiers liés aux disparitions d'enfants dont le dossier Madeleine McCann, cette fillette de 4 ans, disparue au Portugal en 2007.
- L’affaire 7/7
La seconde affaire, dévoilée ce mercredi, remet une nouvelle fois sur le devant de la scène Glenn Mulcaire. Mis en cause par Scotland Yard, le détective privé aurait une nouvelle fois été engagé par le tabloïd juste après les attentats de Londres du 7 juillet 2005 – et placé sur écoute plusieurs familles endeuillées.
Graham Foulkes, dont le fils est mort ce jour-là, a été récemment contacté par les policiers, spécialisés dans le piratage. "Ces derniers lui ont dit que son numéro et son adresse avaient été retrouvés dans des enregistrements appartenant à Glenn Mulcaire", écrit The Guardian dans son édition de mercredi.
"Après l’attentat, ma femme et moi-même appelions souvent des amis. C’était très personnel, très intime. Savoir qu’on nous écoutait me glace le sang", explique ce père de famille endeuillé selon des propos rapportés par la BBC. "Ce journal doit prendre ses responsabilités, assumer ce qu’il a fait", a-t-il déclaré, "News of the World devrait agir avec décence même si je pense qu’il ne le fera pas". L’annonce, qui fait l’effet d’une bombe dans le pays, est d’autant plus traumatisante qu’elle survient à quelques jours des commémorations du 6e anniversaire des attentats.
Pour le moment, les actions en justice contre le tabloïd n'ont été intentées qu'à titre individuel.