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Guerre économique sur les toiles !

Dans les salles de cinéma, la compétition économique fait rage. Au Festival de Cannes, le Journal de L’Intelligence Economique d’Ali Laïdi a enquêté sur cette "guerre du cinéma" que se livrent les pays producteurs : un scénario qui n’a rien d’une fiction !

Machine à faire rêver petits et grands, le cinéma n’est pas exempt d’une très forte concurrence économique mondiale : de Hollywood à Bollywood en passant par la vieille Europe, tous les pays se battent pour porter haut les couleurs de leur cinéma national.

En matière d’exportation de film, les Etats-Unis et son industrie à " "blockbusters" mènent la danse. Mais certains pays, comme la France, deuxième exportateur mondial, résistent. Aujourd’hui pourtant, les temps sont durs pour les héritiers de la Nouvelle Vague. Depuis deux ans Hollywood bat la France sur son propre terrain en nombre d'entrées dans les salles.

Sur la croisette, le réalisateur belge Frédéric Sojcher analyse la situation avec beaucoup d’humour. Son film, "Hitler à Hollywood", moque l’hégémonie du cinéma américain dans le monde.

L’idée de son scénario tient à une petite phrase prononcée par Roosevelt : "Envoyez les films américains, les produits suivront" aurait déclaré en son temps le président américain. Autrement dit, les films sont une bonne manière de vendre le "made in America".

Pour le cinéaste belge, l’objectif économique américain prend des allures de complot : "Derrière les films, il y a un enjeu beaucoup plus important que le cinéma qui est un enjeu économique mais aussi un enjeu culturel […]. Le cinéma n’est plus que le cinéma. Il y a une guerre du cinéma qu’on ignore".

Cette guerre est en passe d’être remportée par les Etats-Unis. Même en France, ils gagnent des parts de marché. Sur trois des quatre dernières années, le cinéma américain arrive en tête dans les salles.

Pour Eric Garandeau, le directeur du Centre National de la Cinématographie (CNC), le cinéma français est tout de même celui qui résiste le mieux à l’hégémonie hollywoodienne. Au premier trimestre 2011, la part du marché du film français en France tournait autour de 43%.

"C'est une part de marché qui est très élevée en comparaison des autres pays, notamment des pays européens. En Allemagne et en Espagne, la part de marché du film national est plutôt entre 10 et 20 %, en Italie et au Royaume uni, c'est plutôt entre 20 et 30 % " explique Eric Garandeau.

Le cinéma américain représente 80 % du marché du film à l’exportation, contre seulement 2 % pour la France. Pourtant Unifrance, l’organisme chargé de promouvoir les films français à l’étranger, propose chaque année plus de 250 films aux acheteurs étrangers. Un record en Europe !

Malgré ces bons résultats, Antoine de Clermont Tonnerre, président de UniFrance, ne cache pas ses craintes vis-à-vis du circuit de distribution des films français. De plus en plus de salles indépendantes sont en train de disparaître. Pour Antoine de Clermont-Tonerre, il est "très important d'alerter les pouvoirs publics dans un certain nombre de pays pour sauver ce réseau de salles qui est très important pour la diversité cinématographique."

Le marketing est aussi à améliorer, estime Scott Roxborough, journaliste à The Hollywood Reporter. Pour lui les Américains ont une longueur d’avance : ils savent vendre du rêve et du glamour, et dans les salles du monde entier, cela n’a pas fini de faire recette.

Un avis que ne partage pas Didier Lucas, directeur de l'Institut Choiseul, un think tank français, qui consacre une de ses publications à la géopolitique du cinéma. Pour Didier Lucas, on assiste en ce moment au déclin de l’Empire cinématographique américain au profit des puissances émergentes comme la Chine et l’Inde.

"C'est le sens de l'histoire ! Quand un acteur est super-puissant, s'il ne s'adapte pas, s'il ne transforme pas son modèle et son industrie, il est condamné à voir reculer sa performance, sa compétitivité et donc ses parts de marché" analyse Didier Lucas.

Le modèle des blockbusters menacés par les industries cinématographiques balbutiantes des puissances émergentes ? Réponse dans les salles obscures …