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Autorisés à pénétrer dans les camps turcs, des experts du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) se sont rendus à la frontière turco-syrienne pour évaluer la situation. Des milliers de Syriens fuient toujours la répression de Damas.
Alors que le régime de Damas refuse de laisser entrer des organisations humanitaires sur son sol, des experts du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se sont rendus, mardi, dans la province turque d'Hatay, où affluent des milliers de Syriens fuyant la répression. Leur mission : enquêter sur les exactions commises par le régime de Bachar al-Assad et interroger ces migrants qui s’entassent dans les trois camps installés par le Croissant-Rouge turc. Une première pour l’organisation internationale qui, jusqu’à présent, n’avait pas été conviée à pénétrer dans ces campements, placés sous haute sécurité par les autorités turques et interdits à la presse.
"Le HCR ne pouvait rester les bras croisés"
Contacté par France24.com, Metin Corabatir, le porte-parole du HCR en Turquie, assure que son organisation travaille en bonne intelligence avec les autorités. "Nous n'avons pas eu à insister pour venir enquêter, explique-t-il. La question n'a pas été de savoir comment nous avons eu la permission mais pourquoi nous sommes venus."
Selon lui, "le HCR ne pouvait plus rester les bras croisés [...] face à un constat de plus en plus alarmant." L’exode des Syriens s’est en effet accentué depuis la prise de contrôle par l’armée syrienne de Jisr al-Chougour, dans le nord-ouest du pays, dimanche. Ils seraient désormais plus de 9 000, selon le Croissant-Rouge (8450, selon les autorités turques) à s’être réfugiés, depuis le début de mai, de l’autre côté de la frontière, distante d'une quarantaine de kilomètres.
Envoyée spéciale de France 24 à la frontière turco-syrienne, Assia Shihab témoigne de l'afflux régulier de réfugiés syriens. "Chaque nuit, ils passent la frontière par centaines, raconte-t-elle. Leur nombre a même doublé en trois jours. Et les capacités des trois camps d’accueil destinés à accueillir 10 000 personnes arrivent à saturation."
La présence du HCR arrive donc à point nommé pour "évaluer l’urgence de la situation", précise de son côté William Spindler, le porte-parole de l’organisation à Paris.
Dans un premier temps, le Haut Commissariat a prévu d’envoyer "un coordinateur d’urgence" et un "directeur des opérations", sur place. Tous deux auront pour mission "d’enquêter, d’interroger les migrants pour évaluer les besoins humanitaires", explique William Spindler. "Nous verrons dans un second temps, si s’installer dans la zone frontalière est nécessaire. Pour l’instant, l’idée n’est pas à l’ordre du jour."
Deux autres camps en construction à la frontière turco-syrienne
Et pour cause, la Turquie a récemment déclaré qu'elle gère la situation. Fin avril, le Croissant-Rouge turc avait dressé plus de 1 000 tentes, apporté 8 500 couvertures et équipements de cuisine. "Il faut reconnaître que, pour le moment, le Croissant-Rouge se débrouille très bien sans nous, constate Metin Corabatir. Toutefois, nous nous tenons prêts à intervenir. Ankara sait que nous pouvons leur apporter tout le soutien logistique et financier qu’elle demandera."
Une offre qui ne restera peut-être pas vaine. La Turquie a commencé, ce mercredi, la construction de deux nouveaux camps. "Si les réfugiés continuent à affluer à un rythme aussi soutenu, il faudra évidemment envisager de nouvelles solutions", précise Metin Corabatir. L’idée d’un seul et unique grand camp pourrait ainsi voir le jour, mais pour le moment "le projet est encore à l’étude".
Trois mois après le début d'un mouvement de révolte pro-démocratie inédit en Syrie, le régime de Damas, déterminé à mater toute contestation, intensifie la répression dans le nord-est du pays. Un durcissement qui laisse craindre l'arrivée d'une nouvelle vague de réfugiés.