Une soirée gastronomique au profit du Japon ? Les onze plus grands chefs français ont vu les choses en grand : installés au Quai d’Orsay, à Paris, ils ont pu accueillir plus de 200 convives, avec un menu à 1 000 euros...
Pour voir onze grands chefs français se bousculer autour d’une salade de mâche et chipoter sur le croustillant d’un bar sortant du four sous les ors du Quai d’Orsay à Paris, il suffisait de payer la modique somme de 1 000 euros. Cette soirée de solidarité envers le Japon, qui continue de faire face aux conséquences du séisme et du tsunami qui l'ont frappé en mars dernier, a réuni quelque 230 convives, mardi soir, au ministère français des Affaires étrangères, dans le cadre d'un dîner "Urgence pour le Japon".
Dépenser 1 000 euros en solidarité avec les Japonais, c’est à la portée de Christophe de Margerie, le PDG de Total, de Serge Dassault, patron du groupe d’armement qui porte son nom, et de Roselyne Bachelot, la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale. Quand le couvert est dressé par les onze plus grands chefs français, sous les lustres du Quai d’Orsay et en présence de l’ambassadeur du Japon en France, Yasuo Saito, la dépense ne se calcule même plus pour ces habitués des mondanités parisiennes. "Chacun a réellement payé sa place, il n’y avait pas d’invité", ont insisté les organisateurs du Collège culinaire de France.
La soirée s’est organisée en deux semaines - un record pour mettre d’accord ces chefs étoilés par le guide Michelin sur un menu précis. En entrée, le homard et les légumes du printemps cuisinés en barigoule. Puis le dos de bar aux morilles, suivi du gigot d’agneau de lait rôti en cocotte. Sans oublier la fraise des bois, servie avec un sorbet Yuzu et arrosée de Champagne, pour la touche sucrée finale.
"On n’est pas là pour faire une démonstration culinaire", justifie Alain Ducasse, chef triplement étoilé au guide Michelin, pour expliquer un menu très classique et surtout très "cuisine française". "Nous avons calculé les frais au minimum, le ticket d’entrée est élevé et tous les convives ont payé leur place, ce qui n’est pas si commun. Le but est de faire de l’argent, très clairement. C’est un très beau dîner avec des revenus importants, que le Collège culinaire a décidé de donner aux confrères japonais qui sont dans la difficulté."
L’intérêt de la soirée était donc plutôt dans un coin de la salle d’entrée, où trois chefs japonais servaient des hors d’œuvres de leur secret.
Encore plus discret, l’ostréiculteur japonais Shigeatsu Hatakeyama, à qui l'industrie ostréicole française doit d'ailleurs sa survie. "Des bébés huîtres ont été exportés il y a cinquante ans de ma production, dans la région de Tohoku, pour sauver les huîtres malades françaises", se souvient-il. "Il y a de vieux liens ostréicoles entre la France et le Japon".
C’est à la French Food Culture Center (FFCC), une institution pour la promotion de la gastronomie française au Japon, que seront reversés les bénéfices de la soirée. C'est cet organisme qui, ensuite, reversa les fonds mobilisés. "On ne peut pas panser toutes les plaies du Japon en une soirée", s’excuse Harumi Osawa, la secrétaire générale de la FFCC. De nombreux agriculteurs et pêcheurs de la région de Tohoku, province rurale qui fournit les meilleurs produits du pays, ont vu leurs productions et leurs terres dévastées par le tsunami, en mars dernier.
Le dîner a surtout été l’occasion pour les chefs français de parler de leur coup de foudre pour l’art culinaire des Japonais et leur amour des produits de qualité. Qu’il s’agisse d’Alain Ducasse qui y a ouvert un restaurant de gastronomie capable de servir des sushis comme un bœuf bourguignon, ou de Thierry Marx, chef étoilé du Mandarin Oriental Paris, qui passe trois mois chaque année dans la péninsule japonaise (écouter le sonore ci-dessous), les chefs voient le Japon comme un pays "qui peut nous donner des leçons en terme de savoir-vivre, d’harmonie culinaire et d’hospitalité", selon les termes d'Alain Ducasse.