
Interrogé par France24.com sur le nouveau gouvernement formé lundi à Beyrouth par le Premier ministre Mikati (photo), le député de l'opposition libanaise Ahmad Fatfat dénonce une composition qui "porte le sceau de la Syrie".
Après cinq mois de tractations, le Liban s'est doté lundi d'un nouveau gouvernement dirigé par le Premier ministre Najib Mikati, au sein duquel le Hezbollah et ses alliés sont majoritaires. Le député de Denniyé (Nord du Liban) Ahmad Fatfat, membre du Courant du futur, parti de l’ex-Premier ministre Saad Hariri désormais dans l’opposition, répond aux questions de France24.com.
FRANCE 24 : Le Liban s’est doté d’un gouvernement après cinq mois de crise. En tant que membre de l’opposition, quel regard portez-vous sur sa composition ?
Ahmad Fatfat : Ce gouvernement a été étonnamment formé, dans la douleur, par des partis pourtant alliés. On aurait pu gagner du temps et le former rapidement puisqu’aucune surprise n'est à signaler - au lieu de plonger le pays dans une crise de cinq mois. Sa composition - avec une majorité importante de ministres alliés au Hezbollah et à la Syrie, bénéficiant de 18 voire 19 maroquins sur 30 - en fait un gouvernement monochrome de confrontation. Il faut craindre des tentatives de déstabilisation du pays, notamment par le biais d’incidents sécuritaires. Reste à savoir si le Premier ministre Nagib Mikati pourra gouverner, malgré les tensions évidentes qui sont apparues dans ce qui est censé constituer sa majorité parlementaire [ndlr : les députés du Hezbollah, du Mouvement Amal dont dépend le président du Parlement Nabih Berri, du Courant patriotique libre du général Michel Aoun, du leader druze Walid Joumblatt et d’autres forces pro-syriennes].
Le président syrien Bachar al-Assad a salué la naissance de ce gouvernement. A-t-il joué un rôle dans sa formation ?
A.F. : L’empressement de Bachar al-Assad, qui n’a attendu que quelques secondes pour féliciter les autorités libanaises pour la naissance de ce gouvernement, démontre bien son implication. Ce gouvernement n’a pu voir le jour qu’avec son aval. En grandes difficultés dans son propre pays, il a insisté pour que ce gouvernement porte le sceau de Damas. Car le régime syrien a besoin de démontrer qu’il détient toujours la "carte libanaise" en main dans un contexte régional explosif. C’est triste, mais le Liban est revenu à l’époque de la tutelle syrienne des années 1990, quand les gouvernements étaient formés par Damas. Je suis d’accord avec certains observateurs, qui affirment que ce gouvernement ne tiendra pas si le régime syrien s’effondre.
Quel regard portez-vous sur l’avenir du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé de juger les assassins de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri ?
A.F. : La question du TSL nous inquiète, puisque les forces politiques qui composent ce gouvernement lui sont hostiles. Cependant, il ne faut pas oublier que cette instance jouit d’un large soutien de la communauté internationale. L’acte d'accusation n'est lié à aucun facteur politique et paraîtra au moment décidé par le TSL. Mais nous resterons vigilants, en veillant à ce que le Liban respecte ses engagements internationaux, en évitant notamment qu’il soit instrumentalisé dans le cadre d’alliances stratégiques contraires à ses intérêts. Nous nous opposerons avec vigueur, dans les règles de la démocratie, à toute politique qui sera considérée comme néfaste pour le Liban.