Les insurgés libyens ont reçu ce jeudi à Abou Dhabi, dans le cadre d'une réunion du Groupe de contact, un appui à la fois politique et financier indispensable pour préparer l'après-Kadhafi. Sur le terrain, l'Otan a intensifié ses frappes.
REUTERS - Les rebelles libyens qui luttent depuis février contre Mouammar Kadhafi espèrent reprendre la production pétrolière et ont obtenu jeudi de leurs alliés plus d'un milliard de dollars de promesse de financement.
Les Occidentaux et les représentants de plusieurs pays arabes se sont réunis à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis, afin de préparer ce qu'un responsable américain a appelé "la fin de partie" pour Mouammar Kadhafi.
Les ministres du Groupe de contact pour la Libye, qui comprend notamment la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ainsi que leurs alliés arabes (Qatar, Koweït,
Jordanie), ont demandé aux rebelles de présenter leurs projets pour l'après-Kadhafi.
Sur le terrain, l'Otan a accentué sa pression sur le régime libyen et les bombardements aériens se sont intensifiés à Tripoli.
Le ministre des Finances et du Pétrole de la rébellion, Ali Tarhouni, a annoncé que le Conseil national de transition (CNT) de Benghazi espérait relancer "prochainement" la production de pétrole, à hauteur de 100.000 barils par jour, et a demandé une aide internationale d'urgence.
Aide financière
"Notre peuple est en train de mourir (...) Alors mon message à nos amis, c'est qu'ils fassent ce qu'il faut", a-t-il dit.
Le CNT estime avoir besoin de trois milliards de dollars (deux milliards d'euros environ) dans les quatre mois pour financer l'achat de vivres et payer les salaires, a déclaré à Abou Dhabi Abdourrahman Mohamed Chalgham, ex-ministre libyen des Affaires étrangères rallié à l'insurrection.
La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a annoncé qu'elle allait débloquer 290 millions d'euros (420 millions de dollars environ), sous la forme de prêts bonifiés.
L'Italie, elle, va donner de 300 à 400 millions d'euros sous forme de fonds mais aussi de livraisons de carburant, a dit le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini.
Le Koweït a annoncé le transfert immédiat de 180 millions de dollars (125 millions d'euros environ) et la Turquie va créer un fonds de 100 millions.
"Il y a des discussions nombreuses et continues dansl'entourage de Kadhafi et nous savons qu'elles portent entre autres sur une possible transition", a déclaré sans plus deprécision la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, lors
d'une conférence de presse à Abou Dhabi.
Le règne du guide de la Révolution "pourrait bien s'achever plus tôt que beaucoup ne le pensent dans cette pièce", a renchérit le Premier ministre australien Kevin Rudd.
En visite auprès des rebelles à Benghazi, le président sénégalais Abdoulaye Wade a de nouveau exhorté Kadhafi à quitter le pouvoir "le plus vite possible, dans l'intérêt de tous", et a proposé son aide pour parvenir à un règlement négocié.
Accusations réciproques
A La Haye, les enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI) disent avoir des preuves que Kadhafi a encouragé les viols d'opposants, ce qui pourrait faire l'objet d'un nouveau chef d'inculpation.
Le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a requis en mai un mandat d'arrêt contre Mouammar Kadhafi pour crimes contre l'humanité, ainsi que contre son fils Saïf al Islam et le chef des renseignements libyens, Abdoullah al Senoussi.
Sur le plan militaire, les rebelles assiégés à Misrata, à 220 km à l'est de Tripoli, ont déclaré que les gouvernementaux avaient lancé une nouvelle offensive mercredi et que leurs bombardements avaient fait une douzaine de morts.
Le commandant du volet français de l'opération militaire de l'Otan, le contre-amiral Philippe Coindreau, a dit "constater tous les jours l'attrition des moyens, des forces de Kadhafi" mais a présenté le soldat libyen comme "excessivement professionnel, réactif et agressif".
"Ce sont des militaires expérimentés, entraînés, qui n'hésitent pas à être violents vis-à-vis de l'opposition, ne se soucient pas de la population qui est autour et n'hésitent pas à
ouvrir le feu sur les forces de l'Otan", a-t-il dit.
A Genève, devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, Moustafa Chabane, représentant du ministère libyen des Affaires étrangères, a accusé les insurgés et l'Otan de commettre des crimes de guerre.
"Les villes aux mains des bandes armées sont victimes de terribles violations des droits de l'homme et de crimes abominables", a--il dit. "A Misrata, des bandes de Libyens et
des étrangers qui ont été arrêtés ont avoué avoir tranché la gorge et les seins de femmes et même avoir commis des actes de cannibalisme."
Le diplomate Cherif Bassiouni, qui a effectué fin avril une mission à Tripoli et dans la région aux mains des rebelles pour le compte du Conseil des droits de l'homme de l'Onu, a par ailleurs évalué entre 10.000 et 15.000 morts le bilan des combats qui font rage depuis quatre mois.