
Keiko Fujimori, la fille de l'ancien président emprisonné pour violations des droits de l'Homme, et Ollanta Humala, un ex-militaire de la gauche radicale, s'affrontent dans un second tour serré, au terme d'une campagne émaillée de coups bas.
AFP - Les Péruviens élisaient dimanche leur président au terme d'une campagne tendue et dominée par les craintes suscitées par les deux candidats, Ollanta Humala, ancien militaire de gauche, et Keiko Fujimori, fille de l'ex-chef d'Etat autoritaire, aujourd'hui incarcéré.
Les quelque 20 millions d'électeurs se sont rendus en masse dans les bureaux de vote ouverts à 08H00 (13H00 GMT) pour élire le successeur d'Alan Garcia, qui ne pouvait briguer deux mandats successifs.
Humala, ancien officier de 48 ans, et Fujimori, députée de droite de 36 ans, étaient à égalité dans les sondages, même si deux enquêtes donnaient samedi un léger avantage au candidat de gauche.
Le résultat risquait d'être connu bien après la fin du vote (16H00 locales, 21H00 GMT), peut-être même lundi.
Mme Fujimori, née au Pérou d'une famille immigrée du Japon dans les années 1930, pourrait devenir la première femme présidente du pays andin.
Elle s'engage à préserver le modèle économique libéral, après une décennie de croissance sans précédent (5% par an) qui a permis de réduire quasiment de moitié la pauvreté entre 2001 (54,8%) et 2010 (31,3%), tout en augmentant les programmes sociaux.
Humala, d'origine indienne (quechua) comme 80% des Péruviens, prône au contraire une "grande transformation" du pays, pour le rendre moins dépendant du secteur minier (or, argent, cuivre) et plus égalitaire, à coups d'aides sociales, visant notamment les provinces andines reculées où la pauvreté atteint les 60%.
"Nous avons besoin d'un changement. Les puissants récupèrent tout l'argent qui rentre et il ne reste rien pour les pauvres", a expliqué Luis Alberto Guzman, un technicien de 49 ans, alors que d'autres partisans de l'ex-militaire scandaient "Ollanta a déjà gagné, la peur s'est envolée".
"Keiko oui, Chavez non", chantaient les partisans de Mme Fujimori, qui accuse Humala d'être un "bon soldat" du président vénézuélien Hugo Chavez.
Humala a beau avoir pris ses distances avec le chef de file de la gauche radicale latino-américaine, tempéré son image et recentré son discours, il continue d'inquiéter la Bourse, en baisse à chaque fois qu'il progressait dans les sondages.
Ses envolées contre les "pouvoirs économiques" ou ses propositions de taxe sur les profits miniers hérissent les investisseurs.
Les doutes sur le vrai visage des deux candidats ont dominé la campagne et "beaucoup d'électeurs votent pour le moindre mal", selon Giovanna Penaflor, directrice de l'institut de sondage Imasen.
Humala a insisté pour sa part sur les excès de la présidence du père de sa rivale, Alberto Fujimori (1990-2000), qui purge une peine de prison pour corruption et violation des droits de l'homme.
La crainte de l'entourage de l'ex-président, très présent dans l'équipe de Keiko Fujimori, a d'ailleurs motivé le ralliement à Humala d'anciens adversaires, comme le Prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, libéral de droite assumé.
Mais Alberto Fujimori est aussi le meilleur atout de sa fille, qui pose à ses côtés sur de nombreuses affiches électorales.
"J'ai voté pour Keiko car quand son père était président, il a construit des routes, apporté l'eau et installé le tout-à-l'égout dans mon village", a déclaré Esteban Puelles, commerçant de 48 ans.
Pour beaucoup de Péruviens riches ou pauvres, "el Chino" est aussi celui qui a jugulé l'hyperinflation des années 80 et maté les guérillas d'extrême gauche au cours d'un conflit, qui de 1980 à 2000, a fait 70.000 morts ou disparus.
Plusieurs groupuscules restent encore actifs. Samedi, cinq soldats ont ainsi été tués et quatre blessés dans une embuscade de la guérilla du Sentier lumineux alliée aux narcotrafiquants, dans le Sud-Est du pays, deuxième producteur de cocaïne au monde.
Les deux candidats ont condamné l'attaque et juré de lutter avec acharnement contre ces groupes.