Deux jours avant la réélection inéluctable de Joseph Blatter à la tête de la Fifa, Claude Droussent, ancien directeur des rédactions du journal L’Equipe, revient sur le mode de fonctionnement d’une institution gérée "à l’ancienne".
FRANCE 24 - Mohammed Bin Hammam et Jack Warner, qui ont été suspendus par le comité d'éthique, tentent de faire passer la Fifa pour une organisation théocratique menée à la baguette par Joseph Blatter. Est-ce un portrait crédible ?
Claude Droussent : Il est particulièrement intéressant de comparer le modèle de fonctionnement de la Fifa avec le modèle du Comité international olympique (CIO). Ces dernières années, le CIO, grâce à l’impulsion de Jacques Rogge est parvenu à mettre de nombreuses réformes en place pour aboutir à un fonctionnement beaucoup plus démocratique. La Fifa, clairement, n’a pas entamé ce processus.
C’est une organisation qui fonctionne encore "à l’ancienne", un peu comme à l’époque du prédécesseur de Blatter, Joao Avelange, ou à celle du CIO de Juan-Antonio Samaranch. La Fifa a du retard sur son temps. Pour Blatter, ce sera le mandat des grandes réformes, ou ce sera le mandat de trop. Pour le moment, il apparaît comme un dirigeant du passé dont les actions manquent de transparence.
F24 - On constate que les médias s’intéressent assez peu aux scandales qui touchent la Fédération internationale de football amateur (Fifa). Comment expliquer ce désintérêt, si on le compare par exemple à la folie médiatique qu’a déclenchée l’affaire des quotas à la Fédération française de football (FFF)?
C. D. : La Fifa, c’est quelque chose d’un peu lointain. De manière générale, les médias s’intéressent assez peu à tout ce qui touche à l’institutionnel, sauf dans des contextes très précis. Dans le cadre de l’affaire des quotas, on dépasse le domaine du football. C’est une polémique qui touche directement à des débats de société. C’est quelque chose qui touche à des fondamentaux culturels, historiques. Les scandales de la Fifa ne tournent pas autour des mêmes enjeux.
F24 - La Fifa peut-elle tout de même se relever après une année marquée par ces scandales de corruption ?
C. D. : Ils n’ont d’autre choix que celui d’entamer des réformes comme celles menées au CIO. Sinon, les scandales de ce type continueront toujours d’éclater. Mais Blatter est quelqu’un d’intelligent, et il saura vraisemblablement enclencher un processus de réformes qu’il n’aura pas à mener.
Son successeur, probablement Platini, mènera ce chantier à son terme. Des projets sont d’ailleurs déjà dans les tuyaux. Des débats se sont tenus, notamment sur d’éventuelles réformes des modes de désignation des pays hôtes des grandes compétitions.