L'ex-Premier ministre encourt 15 mois de prison avec sursis dans le procès en appel de l'affaire Clearstream. Les avocats de Dominique de Villepin ont protesté devant "l'inventivité remarquable du parquet" pour obtenir sa condamnation.
AFP - Après quatre semaines d'un procès auquel il a assisté de bout en bout, Dominique de Villepin va devoir attendre l'automne pour savoir si la cour d'appel confirme sa relaxe dans l'affaire Clearstream, un arrêt crucial pour son avenir politique.
Si l'atmosphère a gagné en sérénité depuis la première instance, avec le désistement de Nicolas Sarkozy, le grand rival de Dominique de Villepin, la vérité, elle, n'a pas profité du temps écoulé.
Jeudi, de nombreuses zones d'ombre subsistaient: est-ce Imad Lahoud qui a falsifié les listings et manipulé Jean-Louis Gergorin, aveuglé par son obsession du complot? Ou est-ce l'ancien vice-président d'EADS Jean-Louis Gergorin qui a berné tout le monde et tyrannisé le pauvre mathématicien?
Quant au prévenu-vedette, Dominique de Villepin, aurait-il pu stopper la calomnie qui a consisté à ajouter des noms, dont celui de Nicolas Sarkozy, sur des listings bancaires afin de les discréditer?
Pour le parquet général, qui lui reproche "une complicité par abstention", la réponse est clairement oui. L'accusation a bénéficié de l'attitude déterminée du général Philippe Rondot, qui a enquêté sur l'affaire en 2003 et 2004.
Vacillant en première instance, le militaire a gagné en assurance, faisant savoir à la cour qu'il n'avait guère goûté d'être ridiculisé. On ne plaisante pas avec l'honneur d'un général. Cet aplomb retrouvé pourrait peser lourd.
Toutefois, la condamnation de Dominique de Villepin est loin d'être acquise car la "complicité par abstention" n'est qu'un concept juridique que la cour d'appel a toute liberté de retoquer. Pour ses avocats, il est impossible de condamner un homme pour n'avoir "pas fait" quelque chose.
D'autant que Dominique de Villepin n'était pas le seul qui aurait pu stopper le train fou de la calomnie. Les débats ont de nouveau démontré la passivité de l'ex-ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie.
Nicolas Sarkozy lui-même, a fait remarquer la défense, aurait pu freiner la machine, car il était le mieux placé pour savoir que les listings étaient faux, puisqu'il n'avait pas de compte en Italie.
Absent du banc des parties civiles, le chef de l'Etat fut omniprésent, Dominique de Villepin accusant régulièrement son rival d'être la seule cause de ses tourments judiciaires.
Les audiences n'ont toutefois pas apporté de grande révélation, si ce n'est peut-être la formation d'une alliance contre Imad Lahoud entre Jean-Louis Gergorin et Dominique de Villepin.
Si Jean-Louis Gergorin était de bonne foi, cela impliquerait que Dominique de Villepin, son ami depuis plus de vingt ans, a lui aussi pu croire à la véracité des listings. La relaxe de l'un entraîne automatiquement celle de l'autre.
Reste Imad Lahoud qui, sous ses airs d'enfant sage, a continué à égrener les versions. Pas sûr que la cour sera aussi bon public que les élèves venus à l'audience soutenir leur prof de maths.
Le parquet général a requis contre celui qu'il a qualifié de "menteur" 15 mois ferme, soit plus que les 12 mois ferme demandés contre Jean-Louis Gergorin qui aurait pourtant été "le seul instigateur".
Dominique de Villepin n'a pas échappé à la vindicte du ministère public, qui a requis contre lui 15 mois avec sursis, soit un peu moins que les 18 mois avec sursis et 45.000 euros d'amende sollicités en première instance.
Quelle qu'elle soit, une peine serait insupportable pour le fondateur de République solidaire, qui ne cache plus ses ambitions présidentielles face à celui qui un jour a menacé de pendre à "un croc de boucher" les auteurs du complot le visant.