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À l'automne 2010, l'affaire "Mediator" ébranle la France. Dans le même temps, un autre scandale sanitaire éclate aux États-Unis : l'Avandia, un médicament également prescrit aux diabétiques, aurait fait des dizaines de milliers de victimes. Scandale d'un côté, silence de l'autre : retour sur la guerre de l'information qui entoure ces deux affaires.

C’est sans doute le scandale sanitaire le plus médiatisé de ces dernières années en France. À la mi-octobre 2010, tous les journaux font leurs gros titres sur le Mediator, un anti-diabétique distribué par les laboratoires Servier, qui depuis trente ans, aurait fait 500 à 1 000 morts dans le pays. Au même moment une autre affaire éclate aux États-Unis. L’Avandia, l'anti-diabétique des laboratoires GlaxoSmithKline, serait à l’origine de près de 83 000 infarctus. Le médicament est distribué en France depuis dix ans, et pourtant son retrait du marché passe presque inaperçu. Une question se pose : comment l’Avandia a-t-il échappé au scandale médiatique dont le Mediator a été l’objet ? Retour sur un cas typique de guerre de la communication.

En France, tout commence par le livre du Docteur Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest. L'ouvrage, intitulé "Mediator, combien de morts ?", est publié en mai 2010, et son titre déclenche les foudres du laboratoire Servier qui commercialise le médicament. Le laboratoire saisit la justice, qui ordonne la censure du titre. Rien de tel pour attiser la curiosité des médias.

Le quotidien Le Figaro est le premier à relayer l'information. Le 14 octobre 2010, un article révèle qu'une étude de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) avance le chiffre de 500 à 1000 morts.

Dès lors, la machine médiatique est en marche. Tous les projecteurs se tournent vers le Docteur Irène Frachon, la première qui ait tenté d'alerter l'opinion publique sur les dangers du médicament. Fin janvier 2011, elle témoigne devant la Mission d’information parlementaire sur le Mediator. Par souci de transparence, elle annonce elle-même avoir travaillé pour le laboratoire GSK qui fabrique l’Avandia.

GSK, c’est le laboratoire au centre du scandale de l’Avandia. En février 2010, les sénateurs américains adressent une lettre à la FDA (Food and Drug Administration) dans laquelle ils reprochent au laboratoire GSK d'avoir minimiser les risques cardiaques de l'Avandia. Les sénateurs font pression sur la FDA pour l’obliger à retirer le produit du marché. Selon eux, le médicament serait à l'origine de 83 000 infarctus entre 1999 et 2007.

Pour faire face aux éventuelles plaintes des patients, le laboratoire GSK provisionne plus de deux milliards d'euros. En France le retrait passe presque inaperçu, pourtant praticiens et journaux médicaux indépendants s'étaient méfiés de ce médicament dès son autorisation de mise sur le marché (AMM).

"Il avait été mis en restriction d'emblée à éviter en cas d'insuffisance cardiaque et des études avaient été demandées par l'agence du médicament en France sur les risques cardiologiques", explique ainsi le Professeur Patrick Vexiau, chef du service de diabétologie de l'Hôpital Saint Louis à Paris.

La revue Prescrire, un journal médical totalement indépendant des laboratoires pharmaceutiques, a très vite émis des doutes sur le bénéfice-risque du médicament. Comment expliqué qu'en France on ait très peu parlé des effets néfastes de l'Avandia ?

"Probablement parce que la révélation a été un peu plus progressive. Le médicament est resté une dizaine d'année sur le marché en Europe", analyse Bruno Toussaint, rédacteur en chef de Prescrire. "Mediator ça a duré plus de 30 ans et pendant très longtemps la firme minimisait ou niait qu'il y ait des problèmes. Dans le cas d'Avandia, la firme a très longtemps entretenu le doute", poursuit-il.

Lever ou confirmer le doute, c’est la mission de l'Afssaps, l’Agence française du médicament. Prés d'un an après le retrait du Mediator, l'agence a commandé à la Sécurité Sociale française, une étude sur le nombre de victimes liées au médicament. Mais pour l'Avandia, qui a été suspendu le 3 novembre 2010, aucune étude de ce type n'a été demandée.

Du côté politique, Gérard Bapt, député socialiste, mène la croisade contre le Mediator. Il a d'ailleurs présidé la mission d'information parlementaire sur le Mediator. Pour lui, "le risque de l'Avandia était d'une autre nature". Mais il n'exclut cependant pas que le médicament des laboratoires GSK ai pu "déclencher un certain nombre de décès".

GlaxoSmithKline n'est pas seulement le fabricant de l’Avandia, il est aussi le sponsor d'un déjeuner-débat sur la santé co-présidé par Gérard Bapt.

Sur fond de conflits d'intérêt et de guerre de la communication, ce qui apparaît clair dans ces deux affaires, ce sont les liens parfois ambigus entre l’industrie pharmaceutique, la politique, l’administration et les médecins. Des liaisons dangereuses qui se tissent souvent au détriment des patients.