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Sans-abri et sans voix dans les rues de Tokyo

Au Japon, le phénomène des SDF a fait son apparition lors de la récession des années 90, mais la crise actuelle fait gonfler les rangs des sans-abri. Les moyens publics mis en place pour les aider sont loin d'être suffisants.

Le Japon est un des pays les plus riches et industrialisés au monde. Mais derrière cette image de prospérité et de surconsommation se cache une toute autre réalité : les sans domicile fixe. Dans une société où les valeurs d'honneur et de moralité sont omniprésentes et où l'échec personnel est considéré comme une disgrâce, il n'y a pas de place pour les sans-abri. Ils sont pourtant nombreux : 2 600 personnes rien qu'à Tokyo selon les chiffres officiels ; deux à trois fois plus, selon les associations.

Yosuke Tanaka dort dans la rue depuis deux ans. Chaque jour, il construit sa boîte à la nuit tombée au pied d’un des immeubles de Shinjuku. Il la démonte, tôt le matin, pour éviter d‘être expulsé par les vigiles de ces bâtiments. Mais ces derniers ne sont pas sa seule source d’inquiétude : il y a aussi des agressions par des jeunes.

Pour les quinze jours les plus froids de l’hiver, la ville de Tokyo met à disposition quelques lits d’urgence. Le 24 décembre, ils sont 68 inscrits, pour seulement 25 lits disponibles. La manière de départager les sans-abri a de quoi surprendre : on procède par tirage au sort.

Des tentes en plein centre de Tokyo


Il existe également des centres ou se trouvent les quelques lits d’urgence et 800 places pour un hébergement d’un à cinq mois… pour tout Tokyo.

Faute de place, certains sans-abri ont donc installé des tentes dans un parc municipal, en plein centre de Tokyo. Ces tentes bleues sont devenues le symbole des sans-abri japonais. Après la crise des années 90, on les comptait par centaines. Aujourd’hui, elles se font beaucoup plus rares. Les habitants de Tokyo ont fait pression sur les autorités pour récupérer l'accès à leurs espaces publics. En 2004, la mairie a donc lancé une politique de réinsertion. Il s'agit de proposer aux occupants des tentes de les placer pendant deux ans dans des logements à 3 000 yens (20 euros) par mois.

Mais ils ne se sont pas forcément laissés tenter. Nishi-san, l’un d’entre eux, explique : "Comme on ne peut rester dans ces appartements que deux ans, je me suis dit qu’une fois dehors, ça serait plus dur qu’avant. Parce que je ne serai plus autorisé à reconstruire ma tente bleue."

Le but de cette politique est pourtant de sortir définitivement de la rue. La mairie paie la quasi-totalité du loyer et grâce à cette adresse, les anciens SDF trouvent un emploi stable et mettent de l’argent de côté. Ils sont déjà 1 800 personnes à avoir profiter de l’initiative.