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"Un peuple qui ne va pas au bout de sa révolution creuse sa propre tombe"

Le régime syrien a durci la répression contre le soulèvement populaire qui a débuté dans le pays il y a six semaines pour réclamer plus de liberté. FRANCE 24 fait le point sur la situation avec Suhair Atassi, une activiste traquée.

Arrêtée à plusieurs reprises par le passé, fréquemment harcelée par le régime du président Bachar al-Assad, la militante syrienne des droits de l'Homme Suhair Atassi se cache quelque part en Syrie, mais refuse de se taire. Contactée par FRANCE 24, elle affirme avoir reçu des menaces de mort ces derniers mois : "Qu’elles soient directes ou indirectes, elles sont toujours très claires". Celle-ci dit aussi s’y être habituée, puisque "le régime s’est toujours comporté de cette façon, et ce bien avant le début du soulèvement". Dans cet entretien, Suhair Atassi revient enfin sur la répression en cours dans le pays, où le pouvoir tente de mater un mouvement de révolte réclamant davantage de liberté et la démocratie, qui a débuté il y a six semaines.
FRANCE 24 : Pouvez-vous décrire le climat qui règne actuellement en Syrie ?
Suhair Atassi : La répression empire. Nous avons atteint le niveau de la période cauchemardesque des années 1980, où elle avait été féroce et meurtrière. Quand ils ne sont pas tués, les gens sont arrêtés dans la rue, devant leur domicile ou sur leur lieu de travail. On m’a rapporté que, parfois, ils envoient une quarantaine d’hommes armés pour saisir une seule personne. "Nous venons arrêter ceux qui demandent plus de liberté", osent-ils dire. Il ne s’agit plus d’arrestations mais de kidnappings. Les habitations sont prises d’assaut, des femmes et des enfants sont retenus en otage, puisqu’ils ne se contentent pas d’arrêter un activiste mais s’en prennent à toute sa famille. Et ce, dans toutes les régions du pays. Le président Bachar al-Assad a dit que la priorité de son gouvernement était d’assurer l’approvisionnement du lait pour bébé, car cela est plus important que la liberté. Aujourd’hui, il démontre le contraire car il prive les enfants de Deraa non seulement de liberté, mais également de lait en affamant la ville.
Ce durcissement peut-il avoir raison de la mobilisation ?
S. A. : Il n’y aura pas de retour en arrière. Un jeune universitaire syrien m’a récemment dit qu’un peuple qui ne va pas au bout de sa révolution creuse sa propre tombe. Nous n’avons pas le droit de trahir les martyrs qui sont tombés depuis le début du soulèvement. Malgré la propagande du régime, les Syriens évitent, jour après jour, de tomber dans les pièges qui leurs sont tendus pour faire basculer le régime dans la violence. Même si le régime accentue encore la répression, nous ne nous arrêterons pas au milieu du chemin.
Quel regard portez-vous sur les réactions internationales ?
S. A. : Nous sommes toujours étonnés par l’indulgence accordée à Bachar al-Assad, sous prétexte qu’il ne détiendrait pas tous les leviers du pouvoir à Damas. Même si cela est possible, je ne le crois pas personnellement. Il se doit donc de réagir. Je m’insurge également contre les commentateurs qui affirment que le régime syrien vient de perdre sa légitimité, à la suite des opérations meurtrières qu’il mène contre des civils pacifiques. Je pose la question : depuis quand, et comment peut-on affirmer que ce régime a jamais été légitime ? A-t-on oublié qu’il est fondé sur le népotisme et que la constitution a été modifiée en cinq minutes ? En affamant son peuple, en assiégeant les villes et en bombardant les manifestants, ce régime a révélé sa vraie nature.