Un mois exactement après l’enlèvement du patron de l’entreprise Sifca et du directeur de l’hôtel Novotel d’Abidjan, la compagne de ce dernier tente de mobiliser les autorités françaises et ivoiriennes pour qu'ils ne tombent pas dans l'oubli.
Depuis le 4 avril, Karine Perrelle vit jour et nuit dans la crainte de ne jamais revoir son compagnon. Ce jour-là, en milieu d’après-midi, Stéphane Frantz Di Rippel, le directeur général de l’hôtel Novotel d’Abidjan, l'un des principaux établissements de la ville situé dans le quartier du Plateau où journalistes et hommes d'affaires de passage dans la capitale économique ivoirienne ont leurs habitudes, a été enlevé par des hommes en armes. Trois autres personnes sont alors embarquées avec lui : Yves Lambelin, le patron du groupe agro-industriel ivoirien Sifca, ainsi que deux de leurs collaborateurs, un Béninois et un Malaisien.
A l’époque, le chaos règne : en ville, les affrontements entre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) d’Alassane Ouattara et les partisans du président sortant Laurent Gbagbo font rage…
"Pour qu’il y ait un otage, il faut qu’il y ait des ravisseurs"
Un mois jour pour jour après la disparition de "Stéphane", Karine Perrelle a donc décidé de sortir du silence. Elle a organisé une conférence de presse à Paris, au cours de laquelle elle a appelé ses ravisseurs à le libérer. Objectif : "Mobiliser l’opinion, parce qu’il y a deux types d’otages : ceux dont on parle, et ceux dont on ne parle pas, explique ses avocats. Il faut donc à tout prix éviter de tomber dans l’indifférence ou dans l’oubli…"
Au-delà, il s’agit aussi de maintenir la pression sur les autorités ivoiriennes et françaises face à un dossier singulier. Trente jours après l’enlèvement de Stéphane Frantz Di Rippel en effet, le silence radio reste total. Aucune revendication ni aucune demande de rançon n’a été formulée. "La situation est telle que même l’appellation d’‘otages’ est délicate, affirme une source proche du dossier à FRANCE 24. Car pour qu’il y ait un otage, il faut qu’il y ait des ravisseurs. Or, pour l’instant, nous n’avons eu aucun contact avec eux."
Alassane Ouattara "très inquiet"
Pour la famille, l’inquiétude est d’autant plus grande que l’heure est à l’apaisement à Abidjan. Pis : sur les bords de la lagune Ebrié, où tout le monde a en tête le précédent Guy-André Kieffer, ce journaliste franco-canadien porté disparu depuis le mois d’avril 2004, les propos tenus sont des plus alarmants. Dans un entretien accordé jeudi dernier au quotidien français "La Croix", le président ivoirien Alassane Ouattara - dont le ministre de la Justice Jeannot Kouadio Ahoussou attribue l’enlèvement à des "miliciens et des éléments de la Garde républicaine" de Laurent Gbagbo -, s’est ainsi déclaré "très inquiet" du sort réservé aux Français disparus.
Malgré ces mauvaises nouvelles, Karine Perrelle entend garder espoir. Récemment, Me Pierre-Olivier Sur, l’un de ses avocats, a adressé un courrier au chef de l’État ivoirien pour attirer son attention sur le dossier. La semaine dernière, celle-ci a par ailleurs rencontré Ally Coulibaly, l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, qui lui a assuré qu’elle bénéficierait de contacts avec les plus hautes autorités de l’État lors du voyage à Abidjan qu’elle compte effectuer la semaine prochaine. Un déplacement que fera également, dans les jours qui viennent, Patricia Simon, la juge d’instruction nommée vendredi dernier dans le cadre de l’enquête pour "enlèvement, séquestration et vol" ouverte le 22 avril par le parquet de Paris.