Le procureur de la République d’Abidjan, M. Kouffi Simplice, a ouvert une enquête sur les troubles post-électoraux. Il explique à France24.com le déroulement de cette procédure, que les proches de Laurent Gbagbo jugent entâchée de partialité.
Les proches du président déchu doutent qu’il soit emprisonné à Korhogo (nord), comme l’a annoncé le camp Ouattara après sa capture le 11 avril. "Pourquoi l’aurait-on mis là-bas ? C’est la zone de prédilection des chefs de guerre" de l’ancienne rébellion des Forces Nouvelles s’étonne Brigitte Kuyo, la représentante du Front Populaire Ivoirien (FPI– pro Gbagbo), jointe à Paris par France24.com. "Personne n’a de nouvelles, nous sommes tous très inquiets" poursuit un autre membre du FPI à Paris, Cébastien Gnahoré. Le même interlocuteur revient sur la rumeur de tentative de suicide de Laurent Gbagbo dans sa résidence surveillée samedi 23 avril, démentie depuis par des proches de l’ex-président : "une tentative de suicide ? Gbagbo n’est pas un démissionnaire, il ne ferait jamais ça. Cette rumeur sert à préparer l’assassinat de Laurent Gbagbo, qu’on maquillera en suicide". Dans le camp Ouattara, on ne confirme pas de tentative de suicide, mais on assure que l’ex-président est "toujours à Korhogo, en bonne santé et bien traité", selon l’une des porte-parole du nouveau président, Affoussy Bamba.
Ce ne sont pour l’instant que des "enquêtes préliminaires", mais elles augurent déjà de l’avenir judiciaire de Laurent Gbagbo : le président déchu n’échappera probablement pas à un procès devant une juridiction ivoirienne ou internationale.
C’est le porte-parole du gouvernement Ouattara, Patrick Achi, qui a annoncé mardi soir à l’antenne de la TCI (chaîne pro-Ouattara lancée en janvier 2011 pour contrer l’influence de la Radio Télévision Ivoirienne acquise à Laurent Gbagbo) l’ouverture de ces enquêtes. Mais en évoquant "les crimes et délits commis par Laurent Gbagbo et son clan", le porte-parole a outrepassé ce qu’il est pour l’instant permis d’en dire.
Une soixantaine de personnes ont été arrêtées et placées en résidence surveillée après la capture de Laurent Gbagbo le 11 avril, mais seront-elles toutes concernées par l’enquête ? Ou bien ne s’agira-t-il que du cercle rapproché de l’ex-président, des durs qui l’ont soutenu jusqu’au bout, comme le président du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) Franck Anderson Kouassi, le président du Front Populaire Ivoirien (FPI ), Pascal Affi N'Guessan, ou bien le leader des Jeunes Patriotes, Charles Blé-Goudé, s'il est arrêté ? "L’enquête concerne des faits commis en Côte d’Ivoire et non des personnes, répond M. Kouffi Simplice, le procureur de la République d’Abidjan, joint par téléphone par France24.com. On ne saurait donc dire si elle vise untel ou untel, l’enquête le dira".
Idem pour les chefs d’accusation éventuellement retenus : "il ne s’agit pour l’instant que d’enquêtes préliminaires, qui sont justement là pour déterminer si des poursuites peuvent être engagées. Il est donc encore impossible de dire quels chefs d’accusation seront retenus, s’ils le sont", poursuit le procureur.
L’enquête ne concernera que la période post-électorale
Joint par téléphone à Paris, un responsable du FPI en France, Cébastien Gnahoré ne croit pas à l’impartialité d’une telle enquête "car elle est menée par le camp d’ADO (acronyme d’Alassane Dramane Ouattara), qui d’ailleurs n’est pas exempt de soupçons", dit-il, faisant référence aux accusations de crimes de guerre formulées à l’encontre des soldats pro-Ouattara dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, en particulier à Duékoué.
Un point inquiète particulièrement le camp Gbagbo : la période chronologique visée par l’enquête. Va-t-on remonter jusqu’en 2002, au début de la guerre civile, ou bien à la période post-électorale, à partir de novembre 2010 ? "Pour le moment l’instruction concerne la période post-électorale, donc depuis la prestation de serment du président élu [le 4 décembre 2010 NDLR]. Nous nous limitons à ça, et nous n’avons pas été saisis pour des faits antérieurs", selon le procureur de la République.
Il ne précise pas, cependant, quel délai pourrait prendre les investigations. Probablement plusieurs mois, puisqu’"elles seront menées sur toute l’étendue du territoire ivoirien, par des officiers de police judiciaire. Ensuite seulement, lorsque le degré d’implication de Laurent Gbagbo et de son entourage aura été constaté, nous déciderons de lancer ou non une mise en accusation, et transmettrons le dossier à un juge d’instruction".