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Le régime libyen change de tactique à Misrata

Le régime du colonel Kadhafi aurait décidé, selon le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, de laisser aux tribus loyalistes la ville de Misrata. Les rebelles y voient une victoire, tandis que les drones américains commencent leurs attaques.

REUTERS - Des soldats fidèles à Mouammar Kadhafi capturés par des insurgés à Misrata ont affirmé samedi que l'armée avait reçu l'ordre de se replier de cette ville portuaire de l'ouest de la Libye, assiégée depuis près de deux mois par les forces gouvernementales.

Frappes à Tripoli

Plusieurs explosions ont été entendues samedi soir à Tripoli, la capitale libyenne, survolée fréquemment par des avions de chasse de l'Otan, selon des journalistes de l'AFP.

Trois fortes détonations ont secoué la capitale vers 22H40 heure locale (20H40 GMT), dont une a fait trembler l'hôtel hébergeant les journalistes, pas loin du centre de la ville.

Deux explosions près du centre-ville avaient entendues en début de soirée, vers 19H45 locales (17H45 GMT), suivies d'autres plus lointaines, selon des journalistes de l'AFP qui n'étaient pas en mesure de déterminer dans l'immédiat les sites visés par les raids.

Un porte-parole des rebelles, Abdel Basset Abou Mezerik, a déclaré que les soldats avaient, avant de fuir, piégé des cadavres et des bâtiments et qu'ils avaient dressé des embuscades qui ont fait 15 morts et 31 blessés.

"On nous a dit hier de nous retirer", a confirmé à Reuters un soldat, Khaled Dorman, transporté avec onze autres militaires blessés à l'hôpital de Misrata, à 200 km à l'est de Tripoli.

Un autre soldat, prié de dire si le gouvernement avait perdu le contrôle de Misrata, a répondu par l'affirmative.

Contacté à Misrata, Gemal Salem, porte-parole des insurgés, a déclaré que les forces de Kadhafi avaient quitté la ville mais restaient à l'extérieur et étaient en mesure de la bombarder.

Il a ajouté que l'objectif des insurgés de Misrata était désormais de se porter au secours des autres foyers de rébellion en Tripolitaine.

Première attaque de drone "Predator"

Le gouvernement libyen a reconnu vendredi soir que le siège de Misrata avait été brisé lors de la prise du port par les insurgés et que les raids aériens y avaient contribué.

"La stratégie de l'armée libyenne est de mener une opération chirurgicale, mais avec les raids aériens, cela ne marche pas", a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Khaled Kaim.

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"Si Misrata tombe, c'est un revers pour Kadhafi"
Le régime libyen change de tactique à Misrata

"La situation à Misrata sera apaisée, les tribus autour de Misrata et le reste des habitants de Misrata s'en occuperont, et non plus l'armée libyenne", a-t-il dit à des journalistes à Tripoli.

Un porte-parole des rebelles à Misrata, Abdelsalam, a souligné que les tribus soutenant Mouammar Kadhafi étaient minoritaires dans la région. "Il y a deux petites localités kadhafistes près de Misrata. Elles représentent moins de un pour cent de la population de Misrata et des environs", a-t-il dit.

"Ces gens savent que lorsque le régime de Kadhafi tombera, ils tomberont avec lui", a-t-il ajouté en disant redouter que le gouvernement paie des mercenaires pour qu'ils se fassent passer pour des membres de tribus.

Salem a déclaré que les rebelles ratissaient maintenant Misrata et déblayaient les rues. Avant de partir, a-t-il dit, les forces kadhafistes ont piégé des cadavres, des maisons et des voitures.

Le Pentagone a par ailleurs annoncé que les Etats-Unis avaient lancé samedi sur la Libye leur première attaque de drone "Predator". L'Otan a précisé que l'objectif visé était un lance-roquettes multiple des forces de Kadhafi qui tirait sur Misrata.

Des avions britanniques ont par ailleurs détruit ces derniers jours plusieurs véhicules blindés de l'armée gouvernementale près de Misrata et dans d'autres zones de combat.

Menés depuis un mois par les Occidentaux sous mandat des Nations unies, les raids aériens classiques n'ont pas permis aux insurgés de prendre un avantage suffisant et l'amiral Mike Mullen, chef d'état-major interarmes américain, a estimé que le conflit menaçait d'entrer dans une impasse.

Frappes près du QG de Kadhafi

Dans la région des Montagnes occidentales, au sud-ouest de Tripoli, les forces de Kadhafi ont pris samedi la ville de Yafran, a annoncé un porte-parole des rebelles.

Deux jours après la prise par la rébellion d'un poste-frontière entre la Tunisie et la Libye, les insurgés s'activaient samedi à acheminer du ravitaillement provenant de Tunisie vers les Montagnes occidentales, une région peuplée de Berbères qui ont pris part à l'insurrection contre le colonel Kadhafi.

Dans la nuit de vendredi à samedi, l'Otan a procédé à des frappes aériennes à proximité de Bab al Azizia, quartier général fortifié de Kadhafi à Tripoli.

Moussa Ibrahim, porte-parole du gouvernement, a déclaré que trois personnes avaient été tuées par une "explosion très puissante" dans un parking.

Des journalistes de Reuters ont rapporté que l'endroit était entouré de murs et de miradors occupés par des soldats. Les frappes de l'Otan ont laissé deux larges trous. Les bombes ont traversé le sol puis une couche de béton armé, atteignant ce qui semble être un abri souterrain.

Par ailleurs, l'agence Jana rapporte que le Premier ministre libyen, Al Baghdadi Al Mahmoudi, a eu samedi des entretiens téléphoniques avec des responsables russe et grec sur la mise en oeuvre d'un cessez-le-feu

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré à Mahmoudi que Moscou pourrait envoyer des observateurs pour surveiller un cessez-le-feu et faciliter une solution pacifique, écrit Jana.

Mahmoudi s'est aussi entretenu avec son homologue grec George Papandreou et a réaffirmé l'attachement de la Libye aux résolutions des Nations unies et à l'initiative de paix de l'Union africaine.

Le Kremlin a fait savoir vendredi que le président russe Dmitri Medvedev et Papandreou s'efforçaient de contribuer au règlement du conflit et étaient prêts à fournir toute médiation nécessaire.

Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdelati Obeïdi, a franchi samedi la frontière libyo-tunisienne, rapporte l'agence officielle tunisienne Tap. Obeidi, qui est entré en Tunisie par le poste-frontière de Ras Jdir, a gagné l'aéroport de Djerba où il a pris un avion pour Tunis, a-t-on précisé de source proche des services de sécurité tunisiens.