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Japon : au cœur de la "zone rouge" de Fukushima

Scènes de désolation, villages vidés de leurs habitants, la zone d’exclusion autour de la centrale nucléaire de Fukushima a des airs de fin du monde. Nos journalistes se sont rendus au cœur de ce no man’s land apocalyptique. Un reportage exclusif.

Nous avons mis du temps avant d’oser nous aventurer en "zone rouge", la zone des 20 kilomètres autour de la centrale nucléaire de Fukushima. La plus célèbre et terrifiante depuis Tchernobyl. Comme beaucoup de résidents français, nous étions censés quitter Tokyo au plus vite. La capitale se trouve pourtant à 220 kilomètres de Fukushima.

Nous nous sommes donc approchés très progressivement des "portes de l’enfer". D’abord Koriyama, une ville située à 60 kilomètres de la centrale, puis un village rural à 45 kilomètres, ensuite la zone des 30. Nous avons pensé que si des gens habitaient ici 24 heures sur 24, nous pourrions passer bien trois jours avec eux. "Quand vous voyez un serpent, il ne sert à rien de fuir en courant, il suffit de reculer d’un pas", nous avait conseillé un cafetier, dans la zone de confinement. Avant de reprendre la route, nous avons surtout pris soin de nous munir d’un dosimètre pour mesurer la radioactivité, de masques et de combinaisons. Car ce serpent-là est particulièrement insaisissable et fourbe.

Direction "Minamisoma", dans la zone de confinement (entre 20 et 30 kilomètres), où un agriculteur et son épouse nous attendaient avec un café que nous avons bu du bout des lèvres : on se demande toujours d’où vient l’eau et si elle est contaminée. Le centre-ville était désert mais les rares habitants semblaient continuer à vivre normalement, parler et même rire comme avant. Les Japonais ont une capacité incroyable à ne pas céder à la panique. Du moins en apparence.

Nous n’avions pas vraiment envisagé de nous rendre dans la "zone rouge". C’est Koji, le tenancier d’un magasin d’alcool qui organisait régulièrement des patrouilles dans la zone interdite qui nous a soufflé l’idée. Nous l’avons accompagné pendant l’une de ses rondes. Il nous a demandé de mettre nos masques et de ne jamais sortir de la voiture. Mais nous avons négocié. Assise à l’arrière, j’avais toujours un œil sur le dosimètre. Respirer sous un masque est vraiment insupportable, je ne sais pas comment font les Japonais!...

L’entrée de la zone rouge était peu surveillée. Mais à l’intérieur, des villes entièrement vides semblaient avoir été figées dans le temps. J’ai eu le souvenir de mes cours de collège sur Pompéi. La porte de la laverie était encore ouverte, on pourrait laver son linge si on voulait. Une musique douce continuait de retentir au-dessus d’une banque. Mais il n’y a plus ni client, ni âme qui vive. Et cela devrait durer des mois, voire des années.