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À Duékoué, l’affrontement entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara a donné lieu à de nombreux massacres. Mais pour le gouvernement de la présidence Ouattara, la ville de l’Ouest détient la clé de la réconciliation de la Côte d’Ivoire. Reportage.

Certaines images sont susceptibles de heurter la sensibilité des spectateurs.

Une dizaine de jours après la prise de pouvoir effective du président ivoirien Alassane Ouattara, le nouveau gouvernement doit désormais s’atteler à un gigantesque chantier : celui de la réconciliation. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), qui ont porté Ouattara au pouvoir, sont désormais souveraines et sillonnent le pays pour récupérer les armes en circulation et assurer la sécurité.

À Duékoué, Caroline Dumay, l’envoyée spéciale de FRANCE 24, a suivi les patrouilles des FRCI au cœur de l’une des villes les plus touchées par les affrontements entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara. Leur mission s’articule autour de deux axes : assurer la sécurité des populations et découvrir d’éventuelles caches d’armes.

"Duekoué était le nid des miliciens et des mercenaires libériens. La quantité d’armes que nous avons récupérée est en deçà des estimations que nous avons effectuées sur le nombre d’armes distribuées ici", explique le commandant Konda de la gendarmerie de Duékoué, responsable des opérations dans la région.

Durant les dernières semaines des affrontements, plusieurs rapports ont confirmé que les forces armées loyales au président sortant Laurent Gbagbo avaient distribué massivement des armes aux civils. Pour le commandant Konda, cet armement constitue une menace pour la paix retrouvée en Côte d’Ivoire.

Massacres

La sécurisation de Duékoué par les FRCI est désormais l’une des priorités du gouvernement Ouattara, tandis que les habitants réintègrent leurs maisons et tentent d’identifier les nombreux morts.

Ces dernières semaines, plusieurs organisations humanitaires ont accusé les forces pro-Ouattara d’avoir commis des exactions dans la région de Duékoué. La Croix-Rouge avait même avancé le chiffre de 800 morts dans le seul quartier du Carrefour.

Le gouvernement Ouattara estime que le bilan civil des affrontements est de 330 morts dans la région. Les responsables de la mission de l’ONU sur place ont, pour leur part, affirmé qu’ils avaient procédé à l’inhumation de 198 corps.

Selon les journalistes de FRANCE 24 à Duékoué, il est fort probable que de nombreux civils aient été sommairement exécutés. Sur les images qu’ils ont filmées, des corps sans vie apparaissent, notamment celui d’un pasteur qui aurait tenté de se rendre avant d’être abattu.

Le temps de la reconstruction

Les autorités ont affirmé aux résidents de Duékoué que la zone était désormais sécurisée et qu’ils pouvaient regagner leur ville. Mais pour nombre d'habitants, la principale préoccupation est désormais de savoir où dormir, alors que de nombreuses habitations ont été balayées par les combats.

Le Père Bertin, de la paroisse de Diahouin, a choisi de revenir. Mais le retour est difficile. Sa chapelle est partie en fumée, sa maison a été pillée et son puits est rempli de cadavres. "Ce n’est pas difficile de revenir, mais une fois qu’on est là, où dormir ? Où habiter ?", s’interroge-t-il.

À 85 ans, comme beaucoup d’autres, il n’aura pas les moyens de reconstruire. Cette lourde charge sera celle du nouveau pouvoir en place. Un "défi majeur", reconnait Sidiki Konate, un ministre du gouvernement Ouattara. "Si on règle le problème de la réconciliation à Duékoué, on règle le problème de la réconciliation en Côte d’Ivoire", explique-t-il.

Un scénario qui ne pourra prendre forme sans une reconstruction rapide des infrastructures du pays.