Au Burkina Faso, face à la contestation qui s’étend depuis plusieurs jours, le président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, doit "céder du terrain sur le plan politique", estime Germain Bitiou Nama, directeur du journal "L’Évènement".
La situation s’envenime au Burkina Faso. Ce lundi, des jeunes ont manifesté violemment contre la répression des autorités à Koudougou, à l’ouest de Ouagadougou. Dans le même temps, la mutinerie des soldats, qui réclament le versement de leur solde, s'est étendue à l'agglomération de Kaya (centre). Ce dernier mouvement de protestation avait débuté dans la capitale, samedi, avant de toucher les villes de Pô, située à proximité de la frontière avec le Ghana, et de Tenkodogo, dans le sud-est.
Preuve que le pouvoir cristallise les colères, à Koudougou le siège local du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), ainsi que la résidence de l'ex-Premier ministre (limogé la semaine dernière), Tertius Zongo, ont été incendiés.
Vendredi, le président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, avait dissous le gouvernement et limogé le chef d'état-major des armées, le général Dominique Djindjéré, pour tenter de ramener le calme dans le pays. Insuffisant, à en croire les évènements de ce lundi.
Quelles solutions lui reste-t-il alors ? Il n’en a qu’une seule, selon Germain Bitiou Nama, directeur de la publication du journal burkinabé "L’Évènement" : commencer dès à présent à préparer sa succession politique. Interview.
FRANCE 24 - Face aux multiples revendications, des militaires d’un côté et des étudiants de l’autre, comment le calme peut-il revenir au Burkina Faso ?
Germain Bitiou Nama - Ce que Blaise Comparoé a de mieux à faire, c’est de négocier sa sortie de la scène politique. Il y a aujourd’hui une conjonction de facteurs qui font que le Burkina Faso ne peut plus être gouverné comme avant. Il faut qu’il envoie un signal fort, tout en créant les conditions pour que se mette en place un gouvernement de large union nationale. Celui-ci devra ensuite se charger de mettre en place un nouveau système de gouvernement. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de leadership dans le mouvement de contestation. Il n’a que des petits soldats…
F24 - Le mouvement de contestation, en particulier celui des étudiants, est-il influencé par les révolutions dans le monde arabe ou la chute de Laurent Gbagbo ?
G.B-N. - Non, c’est une coïncidence, il y a une situation propre au Burkina Faso. L’accélération de l’Histoire s'est effectuée, comme souvent, dans des détails. Tout a commencé avec un mort [Justin Zongo, un élève décédé le 20 février dernier, tué par la police selon ses proches, mais mort d'une méningite selon les autorités, NDLR]. Cela aurait pu en rester là, mais aujourd’hui, on en est à sept ! [Le décès de Justin Zongo a en effet provoqué des manifestations violemment réprimées à travers tout le pays, NDLR]. La situation n’est plus gérable. De toute façon, le ras-le-bol contre le régime est dans l’air depuis deux ans. Aujourd’hui, tous ceux qui attendent le changement commencent à perdre patience.
F24 - À force de mener des missions diplomatiques dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, le président n’a-t-il pas donné l’impression de délaisser son peuple ?
G.B-N. - Blaise Compaoré a multiplié les médiations pour se bâtir une stature internationale. Ces missions dans les pays voisins sont devenues son fond de commerce : il espérait en tirer profit sur la scène nationale. Mais ce n'est pas suffisant. Compaoré n’a aujourd’hui pas d’autre choix que de montrer qu’il est un facilitateur du changement. Il ne peut se permettre de donner l’impression qu’il ne bougera pas.