Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a qualifié d’"indécents" les propos du PDG de Total qui a jugé, mardi, "inéluctable" un prix du super à 2 euros en France. Un scénario catastrophe qui n’est pourtant pas pour demain.
Christophe de Margerie a mis de l’huile sur l’essence alors que les prix à la pompe ont atteint un niveau historique (1,52 euro le litre de super sans plomb). Le PDG de Total a déclenché un tollé en déclarant mardi dernier qu’il était "inéluctable" que le super grimpe à 2 euros le litre. Même Nicolas Sarkozy, le président de le République, a qualifié, mercredi, ce pronostique d’"indécent". Mais pour le patron du géant français du pétrole, la cause est entendue. La seule incertitude, pour lui, c'est de savoir à quel moment ce plafond pourra être atteint.
Ce scénario catastrophe est pourtant loin de faire l’unanimité. "A vrai dire, les prévisions indiquent plutôt une baisse des prix à la pompe en France à partir de la fin du deuxième semestre", indique Céline Antonin, spécialiste des questions d’énergie à l’OFCE [Office français des conjonctures économiques, NDLR]. Cette économiste a du mal à concevoir que le super pourrait atteindre les 2 euros dans un avenir proche. Et même à moyen terme, l’hypothèse semble peu probable.
Le prix à la pompe est déterminé par trois facteurs : la valeur du baril en dollar, les marges des groupes pétroliers, et les taxes. L’augmentation actuelle des prix s’explique par l’envolée du prix du baril de pétrole. Il est en effet passé de 80 dollars en moyenne en 2010 à 120 dollars actuellement. Une augmentation qui devrait continuer quelques temps, "en attendant que la situation dans les pays du Golfe se stabilise", souligne Céline Antonin.
Un euro fort permet de limiter la hausse des prix à la pompe
Mais pour que les automobilistes soient obligés de payer 2 euros le litre d’essence, il faudrait une véritable explosion du prix du baril. Pas une simple augmentation. Même en 2008, lorsque le pétrole avait flambé à près de 145 dollars, le super en France était autour d'1,5 euro. Et ce qui protège ainsi l’automobiliste français s’appelle l’euro.
En effet, plus la monnaie unique est forte par rapport au dollar, moins il en faut pour acheter un baril de pétrole. L’augmentation du prix du baril – en dollars - est donc atténuée par la valeur de l’euro. "Actuellement, la tendance voulue par la BCE est plutôt de garder un euro fort par rapport au dollar", confirme Céline Antonin. Au cours actuel de la monnaie unique, il faudrait que le baril atteigne 208 dollars - du jamais vu de mémoire de pétrolier – pour dépasser les 2 euros par litre de super. "Avec un baril au niveau de 2008, il faudrait une parité totale entre l’euro et le dollar pour donner raison au patron de Total", précise encore cette économiste. On en est loin.
L'autre option serait que Christophe de Margerie envisage de sérieusement gonfler sa marge. "Il peut la monter, mais il faudrait que Total tape très fort", juge Céline Antonin. Actuellement, la marge de distribution de groupe français est de 13 centimes par litre. Il faudrait donc la multiplier par près de 4 pour faire passer le prix de la pompe de 1,53 à 2 euros. Et encore, tous les pétroliers devraient simultanément en faire autant. Une décision qui risquerait fort d’être jugée "indécente"… et pas seulement par le président.