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Les eurodéputés incitent les 27 à accueillir d'ex-détenus

Dans un projet de résolution commune, les grandes formations politiques du Parlement européen ont appelé les pays de l'UE à aider Barack Obama à fermer la prison de Guantanamo en accueillant d'anciens prisonniers du centre.

AFP - Les eurodéputés ont demandé mardi aux pays de l'Union européenne, très réticents, d'aider Barack Obama à fermer la prison de Guantanamo en accueillant des ex-prisonniers après avoir donné des années durant des leçons de démocratie à Washington.

Dans un projet de résolution commune, discuté mardi à Strasbourg et qui devrait être adopté sans difficulté mercredi, les grandes formations politiques du Parlement européen appellent les 27 à "coopérer pour trouver des solutions et être prêts à accepter des prisonniers de Guantanamo dans l'UE", si Washington le demande.

Pour l'élue libérale britannique Sarah Ludford, l'implication des Européens dans ce dossier délicat se justifie pour des raisons "humanitaires et judiciaires". "Nous parlons d'un poignée de personnes à accueillir dans chaque Etat. Les pays européens doivent trouver le courage de s'unir sur cette question", a-t-elle plaidé.

Il en va aussi de "la responsabilité morale des Etats, alors qu'une douzaine d'entre eux ont participé au transfert de ces prisonniers" en abritant sur leur territoire des prisons secrètes de l'agence américaine du renseignement CIA, a-t-elle affirmé.

Les gouvernements européens ont beau vouloir coopérer avec M. Obama et se réjouir de la fermeture annoncée de Guantanamo, seule une minorité d'entre eux --comme le Portugal, l'Italie, l'Espagne ou la France-- se disent prêts à accueillir des détenus.

Si la décision d'accepter des prisonniers restera "nationale", les gouvernements avancent néanmoins l'idée d'une "action européenne concertée".

Une délégation de l'UE emmenée par le commissaire européen à la Justice Jacques Barrot doit se rendre en février à Washington pour aborder le casse-tête juridique des 245 personnes encore détenues à Guantanamo.

"L'UE doit négocier avec les Américains sur des bases réelles, en étudiant les dossiers des prisonniers", a plaidé Daniel Cohn-Bendit, co-président du parti des Verts, rappelant que "Guantanamo est en contradiction totale avec nos conceptions juridiques européennes".

"Cela permettra de rompre avec le signal désastreux envoyé dans les pays musulmans par l'ancien président américain George Bush", a ajouté le président du groupe socialiste Martin Schultz.

Dans leur projet de résolution, les formations politiques du PE notent que les autorités américaines "présument" que 61 ex-détenus ont été impliqués dans des activités terroristes depuis leur libération.

Clive Stafford Smith, directeur d'une ONG, qui a fait vingt-deux voyages à Guantanamo et contribué à en faire sortir 50 personnes, nie toutefois cette affirmation.

Il a estime que seulement deux personnes libérées avaient repris le combat. D'autres, revenus en Albanie ou en Grande-Bretagne, n'ont fait que critiquer par exemple Guantanamo dans des interviews ou réaliser des films, a-t-il dit. Selon lui, tous les prisonniers accepteraient de se rendre régulièrement dans des commissariats ou porter des bracelets électroniques.

Irena Sabic, du Centre pour les droits constitutionnels, a pour sa part rappelé qu'une soixantaine de détenus étaient menacés de mort s'ils rentraient chez eux.

Les discussions en Europe s'annoncent toutefois compliquées.

"La détention des prisonniers à Guantanamo pendant plusieurs années sans procès a fait le jeu des groupes terroristes qui cherchent à se radicaliser et à recruter de nouveaux membres", a admis mardi le commissaire Jacques Barrot. La démarche d'accueillir des prisonniers "ne sera ni facile, ni rapide", a-t-il prédit.