logo

L'exaspération gagne les rangs des insurgés libyens

Les insurgés, devant la contre-offensive des troupes de Kadhafi, ne savent plus si l'Otan est de leur côté. Des voix s’élèvent contre ce qu'ils considèrent comme un désengagement des Alliés et une diminution des frappes aériennes.

Aux oubliettes l’euphorie qui s'était emparée des rebelles libyens, lorsque le président français, en première ligne courant mars, défendait bec et ongles auprès des Alliés une intervention aérienne en Libye. Place aujourd’hui à l'incompréhension ou, pire, à l’exaspération dans les rangs des insurgés.

La raison de ce revirement ? L'insuffisance des frappes de l'intervention alliée en Libye au regard de la contre-offensive des troupes de Kadhafi. Considérés comme des héros hier, les membres de la coalition - en particulier l’Otan qui coordonne aujourd'hui l'ensemble du commandement militaire - laissent désormais les insurgés dans le doute.

it
L'exaspération gagne les rangs des insurgés libyens

Les insurgés dénoncent le désengagement de l’Otan

Pour les rebelles, "l’Otan ne frappe pas assez vite, pas assez fort", explique Mathieu Mabin, envoyé spécial de FRANCE 24 à Benghazi. "Les insurgés ne cessent de reculer." Mardi, ils ont encore perdu 10 kilomètres de terrain. "Cette situation de blocage est dénoncée par les leaders de l’insurrection qui considèrent maintenant que la responsabilité des blessés et des morts dans les prochains jours sera à imputer à l’Alliance s’il n’y a pas d’intervention plus ferme."

A Benghazi, les critiques sont à la mesure de l'attente. Mardi, pour la première fois depuis le début du conflit, une très grande partie de la population est descendue dans la rue pour exprimer son ras-le-bol de l’Otan. "C’est la première fois que les membres de ma famille manifestent, ils sont très en colère", explique Rasha Nagem, une enseignante dont la famille vit dans le fief des insurgés, contactée par FRANCE 24. "Comprenez-les, ils sont mal armés, ils ont peur, l’armée de Kadhafi est à leur portes".

L'Otan a-t-elle vraiment pris le relais de la coalition ? 

Pour Hassan, un jeune informaticien de Benghazi, également contacté par FRANCE 24, ce rassemblement de mardi s'explique par une forme de d'incompréhension. "Pourquoi la coalition a-t-elle passé le commandement à l’Otan ?", demande-t-il. "Au début des bombardements alliés, les forces de Kadhafi reculaient. Mais maintenant que l’Otan est là, on n'a que des problèmes", estime-t-il.

La France trouve cependant grâce à ses yeux. Le jeune homme nuance son propos et souligne le rôle de l'Hexagone depuis le début du conflit. "Dans les rues, les Français sont toujours populaires, les drapeaux tricolores flottent encore. C’est le premier pays à avoir reconnu le Conseil national de transition, ce n’est pas rien", ajoute-t-il.

Un point de vue que ne partagent pas tous les jeunes insurgés, comme le raconte  l’envoyée spéciale de France Info, Vanessa Descouraux, à Benghazi. Selon la journaliste, la rancœur et le sentiment d’abandon prédominent dans les rangs des rebelles. Et le président français n’est pas épargné par les critiques. "La population le trouve moins impliqué, voire carrément absent. Ses avions sont trop rares dans le ciel", explique la journaliste française en rapportant les propos d’un habitant.

"L’Otan a laissé mourir les habitants de Misrata"

L’exaspération gagne même le haut commandement des forces armées de l’insurrection. Mardi, le général Abdel Fattah Younès avait déjà lâché la phrase qui fâche : "L’Otan a laissé mourir les habitants de Misrata", avait-il déclaré lors d’une conférence de presse. Une accusation d’une violence sans précédent qui a fait écho à la déclaration de l’Alliance atlantique selon laquelle la troisième ville du pays devenait "la priorité numéro un" des alliés.

Misrata, bastion du régime Kadhafi, est intensément bombardée depuis quelques jours par l’armée de Kadhafi. "Sous l’œil passif de l’Otan", selon Hassan. Les rebelles estiment que plus de 200 personnes ont péri dans les combats. "Il faut vraiment agir. Trop de sang a déjà coulé", déplore le jeune Libyen. "Vous n’imaginez pas. C’est un massacre qui se déroule actuellement là-bas".