Cinq jours après la démission du cabinet de Nadji Otri, le président syrien Bachar al-Assad, a nommé le ministre de l'Agriculture sortant, Adel Safar (photo), à la tête du nouveau gouvernement qu'il devra constituer.
AFP - Des milliers de personnes ont accompagné dimanche les dépouilles de huit manifestants tués vendredi à Douma, près de Damas, alors que le président syrien Bachar al-Assad a nommé le ministre sortant de l'Agriculture Adel Safar pour diriger le nouveau gouvernement.
Les protestataires ont annoncé de nouvelles manifestations cette semaine alors qu'Internet a été coupé plus de six heures et que les communications par le téléphone portable étaient très difficiles en raison, officiellement, d'une "congestion" du réseau.
"Huit morts de Douma ont été enterrés aujourd'hui. Il y a trois autres manifestants tués mais qui sont des villages voisins d'Arbine et Sbinah", a déclaré Mazen Darwiche, directeur du Centre national de l'information et de la libre expression, fermé depuis 2009, qui était présent aux obsèques.
Selon lui, "des dizaines de milliers de personnes ont participé aux obsèques. Elles ont scandé des slogans en hommage aux martyrs, réclamé la liberté et s'en sont prises à la presse officielle".
"Où sont les gangs", proclamaient des pancartes pour tourner en dérision la version officielle accusant des "bandes armées d'avoir ouvert le feu vendredi à partir des toits".
Quelques appels à la "chute du régime" ont été étouffés par la foule. Les obsèques sont parties de la grande mosquée de Douma vers le cimetière en passant par les rues de la ville. Il n'y avait aucune présence visible des forces de sécurité.
Pour sa part, Mountaha al-Atrache, porte-parole de l'organisation syrienne des droits de l'Homme "Sawasiyah", qui a aussi participé aux obsèques, a assuré que "les manifestations se poursuivront. Le peuple ne gardera plus le silence car la barrière de la peur est tombée".
Vendredi, huit protestataires avaient été tués lors de l'une des manifestations après le discours présidentiel jugé décevant.
Selon un habitant, 90 personnes interpellées par les forces de sécurité ont été remises en liberté mais il en reste 15 dont on est sans nouvelles.
La nomination de Safar, "un geste fort"
Par ailleurs, le président Assad "a promulgué un décret chargeant Adel Safar de former le gouvernement", selon l'agence officielle Sana.
Membre du parti Baas, M. Safar, 58 ans, est un spécialiste des questions agricoles notamment dans les régions arides. "C'est un geste fort envers cette population particulièrement touchée ces dernières années par une terrible sécheresse", a expliqué à l'AFP un économiste.
Le gouvernement dirigé par Mohammad Naji Otri, en place depuis 2003, n'a pas survécu à la contestation et a présenté mardi sa démission.
Mais cette nomination n'a pas satisfait les contestataires. Ils appellent à une "semaine des martyrs" avec une journée de protestation mardi, au "boycottage" mercredi des téléphones portables qui ont offert une heure gratuite à la population pour avoir soutenu le régime, et à des rassemblements jeudi devant les sièges du parti Baas à l'occasion de l'anniversaire de la fondation de ce parti en 1947.
Ils ont également demandé à leurs partisans de défiler vendredi dans toute la Syrie pour montrer "le mécontentement du peuple". Il s'agira du quatrième vendredi où les Syriens sont appelés à descendre dans la rue pour afficher leur mécontentement face à l'absence de libéralisation du régime.
"La contestation est limitée dans son ampleur mais elle s'enracine", a affirmé à l'AFP un homme d'affaires syrien qui a tenu à garder l'anonymat.
Et si le nombre des manifestants est resté limité, la contestation s'est élargie sur le plan géographique. Vendredi, des manifestations se sont ainsi déroulées pour la première fois dans le nord du pays, à majorité kurde.
Au total, près de 80 protestataires ont été interpellés depuis vendredi à Damas, Homs, Douma, Deraa et Deir Ezzor (450 km au nord-est de Damas).