Alors que la situation reste instable dans la centrale de Fukushima, à 240 kilomètres au nord-est de la capitale, les Tokyoïtes tentent de s'adapter en attendant des jours meilleurs. Témoignages.
Selon le propre aveu du gouvernement japonais, la situation n’est pas "suffisamment stabilisée" dans la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, endommagée par le séisme et le tsunami survenus le 11 mars dans le nord-est du pays. Plus au sud, à 240 kilomètres, les Tokyoïtes continuent de mener une vie normale tout en suivant les recommandations des autorités et les informations sur d’éventuelles retombées radioactives. Si de nombreux habitants de la capitale nipponne ont migré vers le sud du pays par crainte d’une réplique sismique ou d’un nuage radioactif, ceux qui sont restés refusent de céder à la panique.
"Il n’y a pas de quoi être inquiet, certains ont préféré s’éloigner temporairement, d’autres, comme une partie des expatriés, ont carrément choisi de quitter le pays. Mais la majorité des Japonais croit les nouvelles rassurantes du gouvernement, c’est culturel", philosophe Hide, un jeune architecte tokyoïte contacté par France24.com. Reste, que ce dernier avoue que la vie n’est plus exactement la même à Tokyo.
Pénurie d’eau minérale
itEn effet, de nouvelles contraintes sont venues "perturber" le quotidien des habitants, notamment le ravitaillement en eau et en nourriture, explique Hide. De son côté, Yuki, une Tokyoïte francophone confirme que les stocks des supermarchés ont été épuisés il y a deux semaines à cause des ménages qui ont paniqué au point de constituer des réserves de nourriture, d’eau et de lait. "La situation s'est améliorée petit à petit depuis la semaine dernière sauf pour l’eau" précise-t-elle. Pour faire face à la pénurie, elle continue à boire "comme d'habitude" de l'eau du robinet. Et ce, malgré plusieurs alertes, émises ces dernières semaines et levées depuis, sur la présence dans cette eau d’un niveau d'iode radioactif supérieur à la limite légale admise pour les bébés.
D’autres produits sont rationnés en signe de solidarité avec les habitants des zones sinistrées du nord-est du pays. "Les articles comme les couches pour bébé et les conserves, sont prioritairement envoyés aux sinistrés, ainsi nous ne pouvons acheter qu'un ou deux paquets au plus à la demande des commerçants", explique Yuki. Solidaires, les Tokyoïtes minimisent en effet leurs "petits désagréments qui ne pèsent pas lourd face aux problèmes rencontrés par ceux qui ont tout perdu", à cause du séisme et du tsunami.
Scénario du pire
Mais cet optimisme n’est pas partagé par tout le monde. Itaya, un étudiant en électronique, redoute de son côté le scénario du pire : un nouveau séisme de forte magnitude ou une "catastrophe nucléaire généralisée". Il a même modifié son comportement social. "La vie continue certes, mais je ne sors plus autant qu’avant, je ne vais plus au restaurant, j’ai arrêté de faire du jogging et j’évite de mettre le nez dehors quand il pleut, de peur des pluies radioactives", explique-t-il. Pour l’instant, il entend rester dans la capitale, mais si la situation empire, il cherchera à fuir. "Le gouvernement ne nous informe pas correctement, pour ne pas créer un mouvement de panique. Mes valises sont prêtes, je suis prêt à partir à n’importe quel moment", prévient-il.
De son côté, Bruno, un restaurateur français expatrié au Japon depuis 12 ans, affirme que les médias locaux et étrangers ont amplifié la crise et créé un vent de panique. "Je reste à Tokyo avec ma famille, je ne partirai qu’en cas de danger total". Impressionné par l’élan de solidarité et de générosité des Tokyoïtes, il se sent lui aussi redevable, et affirme ressentir le "devoir" d’aider. "Depuis le séisme et la crise nucléaire, les gens vivent au ralenti à Tokyo. Les coupures de courant, le rationnement de l’essence et de nourriture ont permis d’oublier le superficiel et de revenir à l’essentiel", se félicite-t-il.