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correspondante à Madrid – Le réalisateur Albert Solé s'est fait dérober la récompense qu'il a reçue à la cérémonie des Goya, l'équivalent du César français. Le voleur affirme avoir voulu protester contre le "sectarisme du cinéma espagnol".

Cinq heures du matin, dans une boîte de nuit du centre historique de Madrid. Le réalisateur Albert Solé fait la fiesta dans la nuit de dimanche à lundi juste après avoir reçu son Goya (équivalent espagnol du César français) pour le meilleur film documentaire, "Bucarest : La memoria perdida". La statuette est restée au vestiaire, et à l'heure de partir, elle a disparu. Désespéré, Solé alerte immédiatement toutes les rédactions. Le "vol" fait la une des sites des journaux espagnols lundi matin.

C'est le quotidien El Mundo qui raconte le dénouement ce matin en exclusivité dans son édition imprimée. Le voleur s'est dénoncé à la rédaction, il a expliqué son geste dans une interview et remis la précieuse statuette à un journaliste. Dans la boîte de nuit lundi soir, "cela m'a fait de la peine de le voir posé par terre dans le vestiaire. J'ai dit à la fille 'Donnez-moi mon manteau et le Goya", explique l'auteur du larcin.

Pris en photo de dos, l'homme est nommé par ses initiales, K.N.T. Il a un peu plus de 30 ans. Il est critique de cinéma, au chômage. Il explique avoir voulu protester : "Dans ce pays, le cinéma est toujours pareil. Il est de mauvaise qualité ; les subventions et les prix sont toujours remis aux mêmes gens. Je veux attirer l'attention sur le sectarisme et le népotisme du cinéma, et j'aimerais qu'on se préoccupe un peu plus de produire un cinéma de qualité."

Le journaliste qui l'a rencontré, Pablo Herraiz, raconte les circonstances "rocambolesques" de l'interview : K.N.T a appelé la rédaction en racontant son histoire, et a donné rendez-vous au journaliste devant Temple de Debod, dans le centre de Madrid. "J'ai toujours voulu rendre la statuette, a-t-il ajouté. Je ne suis pas un voleur". Le Goya est à présent gardé en lieu sûr, dans un coffre de la rédaction d'El Mundo. "Il sera rendu à son propriétaire légitime", conclut l'article.

Cette histoire insolite est l'épilogue d'une cérémonie des Goya marquée par la crise. Comme le relatait mardi le journal El Pais, il n'était question que du malaise du secteur dans les coulisses de la soirée. La présidente de l'Académie des Arts, Angeles Gonzalez Sinde, en a par exemple appelé à la "foi" pour affronter les défis économiques à venir. De nombreux artistes dénoncent le manque de subventions allouées au cinéma espagnol, et le chômage qui mine de plus en plus la profession.

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